Par l'image ou par la parole live, la réalisatrice algéro-française, Yamina Benguigui repose le débat contre la discrimination. D'origine algérienne, la cinéaste dont les oeuvres comme "Mémoire d'émigré " sont étudiées dans les universités américaines et d'autres contrées, en sait quelque chose sur la question. Fille d'immigrés algériens, née à Lille, Yamina Benguigui, 54 ans, mène " un combat personnel ". Enfant, elle a été " marquée à vie " par l'impression de " ne pas être comme les autres ": " Mon père était systématiquement tutoyé et appelé par son prénom (Ahmed), se souvient-elle. Mon professeur principal se demandait, au moment des vacances, si je rentrais en Algérie... alors que je me sentais plinement française. " De là est né son envie de comprendre et de faire comprendre, les mirages de l'émigration d'un coté, et les difficultés de l'intégration dans une société pas toujours accueillante. Conseillère à la ville de Paris depuis un an et adjointe au maire, chargée des Droits de l'homme et de la lutte contre les discriminations, la réalisatrice mène le débat non pas dans les rues mais dans les salons feutrés des hôtels de luxe de Paris. L'élue du 20e et cinéaste engagée a présenté dix mesures pour " lutter contre les préjugés raciaux " mais tient cependant à rester éloignée des querelles politiciennes. " Je suis apparentée PS, pas encartée" précise-t-elle. " Atypique " en politique, elle se présente comme une spécialiste de l'immigration, de l'intégration et de la discrimination. " Depuis mon premier film, il y a dix-sept ans, je fais du cinéma politique sur ces questions. Je n'ai cessé de dénoncer la discrimination raciale, l'apartheid invisible qui gangrène silencieusement notre société. " Elle présentait un colloque international dans lequel elle parlait de son plan pour " combattre les discriminations raciales ". Elle compte par exemple développer des " permanences juridiques " et des " lieux d'écoute " dans les quartiers. De même, l'élue veut " systématiser les opérations de " testing " dans le parc privé " (avec SOS-Racisme), mettre en oeuvre une " charte pour l'égalité dans l'emploi " et faciliter l'accès des jeunes issus des quartiers populaires aux écoles d'ingénieurs et d'art de la Ville. Enfin, elle projette des états généraux européens annuels de la lutte contre les discriminations. Bertrand Delanoë a déjà donné son accord. Intitulé, " Décolonisons les imaginaires ", ce colloque avait pour but de " combattre les préjugés raciaux qui hantent nos imaginaires ". Elle a présenté son action de la façon suivante : " Ce colloque est très important pour moi. Nous allons faire une journée sur ce qui n'est pas palpable, ce qui est dans nos têtes et repartir vers la genèse des discriminations. Mettre des visages, des sons, des mots dans une situation qui est dans les têtes. "De nombreux universitaires étaient présents pour débattre sur ce sujet délicat mais essentiel. Elle prépare un film sur le manque de carrés musulmans dans les cimetières en France, " intitulé Le Paradis c'est complet " avec Isabelle Adjani dans le rôle principal, cette dernière y incarnerait le rôle d'une ministre d'origine maghrébine. Le documentaire 9/3. Mémoire d'un territoire diffusé le 29 septembre 2008 sur Canal+ a été acclamé par la presse et a reçu en 2009 le Globe de Cristal pour le meilleur documentaire. Le film retrace l'histoire du département de la Seine-Saint-Denis (le "93" ou "9/3") du milieu du XIXe siècle à nos jours. Selon le documentaire, ce territoire aurait toujours été sacrifié par l'Etat : concentration des industries, relégation des populations les plus pauvres, grands ensembles déshumanisés et mal construits, sous-équipement chronique ; une des raisons des émeutes de banlieue, en 2005, serait cette discrimination territoriale et, aujourd'hui, ethnique. Cette thèse de la paupérisation organisée du nord-est de la banlieue de Paris soulève cependant la critique de plusieurs historiens interviewés pour le film et dont seuls les propos allant dans le sens de cette idée centrale ont été retenus au montage. Selon ses détracteurs, ce film doit être regardé comme une œuvre militante, avec les qualités et les défauts du genre, mais non comme un travail de reconstitution du passé, qu'ils jugent souvent fort éloigné de la thèse qu'il entend défendre. Rebouh H