Mémoire d'outremer est un film de Claude Bossion portant sur des archives familiales, qui sera diffusé ce matin, à11h, au musée du Bardo... Des films passionnants, certains militants, d'autres drôles, encore plus émouvants, attendrissants, abstraits ou réalistes, entre documentaire et fiction, longs et courts métrages, ces films nous ont tenu en haleine et le programme se poursuit jusqu'à aujourd'hui au musée du Bardo. En effet, l'Association Cinémémoire avec M.Claude Bossion présentera, à partir de 11h du matin, son travail de collecte et de diffusion d'archives familiales ou de films d'amateurs retraçant, à travers des tranches de vie, les réalités de la période coloniale au Maghreb, en Afrique et au Moyen-Orient. Un débat sera ouvert avec les étudiants, historiens, cinéastes, etc. L'idée est de savoir comment et si les Algériens peuvent se servir de ces images dans leurs films. Cette belle initiative, on la doit aux associations Aflam de Marseille et Chrysalide d' Alger qui organisent, depuis le 12 novembre dernier, une rencontre intitulé «Ayyam Aflam». Il s'agit d'une carte blanche à l'association marseillaise Aflam. Dans le cadre de ses activités, la diffusion de films de tout bord et notamment de cinématographies issues du monde arabe, en ce qui concerne la première association, initier une réflexion sur le documentaire d'archives en Algérie, s'est imposée de facto. Un cycle de projections de films entre les deux rives de la Méditerranée mais aussi d'autre part dont le dénominateur commun est finalement la recherche de soi, le trouble identitaire, ou les cultures métisses. En cela, ces journées cinématographiques sont apparues des plus intéressantes puisqu'elles nous ont permis de visionner des images d'ici et d'ailleurs et dont le but était «de raconter l'histoire par l'image». Mémoire et Identité L'ouverture de cette manifestation, qui a eu lieu mercredi, nous a permis d'apprécier des films qui ont été présentés, cette année dans la catégorie «Un certain regard» au Festival de Cannes. Le premier est Le sel de la mer de Annemarie Jacir avec comme acteurs principaux Suheir Hammad, Saleh Bakri, Ryad Dias.Une histoire croisée entre Soraya, 28 ans, née et élevée à Brooklyn qui décide de rentrer s´installer en Palestine, le pays d´où sa famille s´est exilée en 1948 et Emad, un jeune Palestinien qui, à l'inverse, ne souhaite qu´une chose, partir pour toujours au Canada. Tout deux marginaux dans la terre de leurs ancêtres vont devenir des criminels malgré eux. Dès son arrivée à Ramallah, Soraya cherche à récupérer l´argent de ses grands-parents, gelé dans un compte à Jaffa, mais elle se heurte au refus de la banque. Elle sera vite confrontée à la réalité amère de ces «emprisonnés à ciel ouvert».Pour échapper aux contraintes liées à la situation du pays, mais aussi pour gagner leur liberté, Soraya et Emad devront prendre leur destin en main, quitte à transgresser les lois. Elle est originaire de Jaffa, lui de Dawayma, un village ayant subi l'un des plus grands massacres, mais aussi un des plus méconnus du drame palestinien de 1948. Soraya et Imad connaîtront ce qu'est la clandestinité, quand ils échapperont de leur côté aux checkpoints. Jamais le mot liberté n'aura pris de sens aussi fort. Ce film bouleversant rend compte du travail de mémoire que fait cette jeune femme qui, pourtant née ailleurs, semble porter l'histoire de ses grands-parents en elle comme un sacerdoce. Un choix pertinent pour ouvrir ces journées consacrées aux documentaires d'archives. Le deuxième film projeté est Je veux voir de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige (Liban) 2007. Juillet 2006, la guerre éclate de nouveau au Liban qui brise les espoirs de paix et l'élan de la jeune génération. Les deux réalisateurs, eux aussi sous le choc, s'interrogent: «Quelles histoires raconter, quelles images montrer? Que peut le cinéma?». Alors, ils embarquent une icône, Catherine Deneuve, dans une voiture conduite par leur acteur fétiche Rabih Mroué et ils filment ce voyage inopiné de Beyrouth à la frontière israélienne. Une fiction, nous tenons à prévenir qui sème le flou sur le contenu d'un film noyé dans les décombres bien réels d'un Liban dévasté. Catherine Deneuve flegme, ne réussit pas le pari de s'élever au rang de son personnage. Hélas, sa froideur est là encore plus palpable et le jeu d'acteur de ce tandem n'est pas du tout crédible. Seuls les images poétiques et les textes qu'on entend en arrière-fond, permettent de sauver la face de ce film dont le propos reste encore ambigu. Car, au bout du compte, Catherine Deneuve restera Catherine Deneuve et Rabih Mroué qu'elle apostrophe comme s'il était un vulgaire garde du corps, est réduit à un simple chauffeur de madame. Et ce n'est pas ce doux échange de regard digne d'un film hollywoodien qui changera quelque chose. L'aventure humaine ne prend pas... Le lendemain, jeudi, place à d'autres films. Le thème de Ayyam Aflm se précise et prend de l'ampleur. Plusieurs films au programme. On en citera quelques-uns. Le plus marquant qui a suscité l'enthousiasme du public est Alger-Oran -Paris, les années music-hall de Michèle Mira Pons, 2003, 52.' Ce film nous plongera dans Le music-hall d'Algérie...Un courant musical à la saveur unique né à Alger et s'épanouit à Oran dans les années 50, et qui mêle rumba, cha-cha-cha,tango ou variété française sur un fond d'héritage arabo-andalou. Avec des portraits d'artistes comme Lili Boniche, Salim Halali, Line Monty...Une ´´fiction´´ pour la jeune génération, une plongée jubilatoire et nostalgique pour leurs aînés. Le corps, ce fardeau de l'Histoire Suivront d'autres films comme Histoires de trois poussières de sable de Florence Lloret. Celle-ci donne la parole à trois gamins de Marseille pour évoquer leur double culture autrement algéro-française, parfois leur égarement, leur naïveté et leur clairvoyance. Le court métrage O.S de Marie Vanaret, en présence de son danseur interprète, Orélien, est une belle mise en scène du passé de ces milliers de Nord-Africains ramenés en France dans les années 50 pour servir d'ouvriers spécialisés. Le recrutement, l'arrivée en métropole, Octobre 1961, des centaines de Maghrébins sont jetés dans la Seine, la danse orientale, le travail dans les usines, le geste mécanique du travail sont autant de tableaux rendus avec justesse et esthétisme sur des morceaux musicaux bien choisis. Ce film s'inspire, dira Marie Vanaret, du film Mémoire d'immigrés de Yamina Benguigui et porte sur «la brisure du corps». Un autre film poignant celui-là, est le documentaire Trous de mémoire de Jean Michel Perez, 2007, 58'. Ce film montre comment entrer en résistance et parvenir à écrire sa propre histoire, et y déterminer sa place malgré l'enfermement, la prison. Plusieurs détenus des Baumettes à Marseille répondent à la proposition du réalisateur de relire leur propre histoire au travers d'archives audiovisuelles. Des individus de plusieurs nationalités et origines confrontent leurs regards et leur destin aux archives de la grande histoire. L'Algérie, l'Allemagne, le Mur de Berlin, la libération de la Roumanie, la fameuse prise de la place Tian'anmen par un jeune étudiant qui osa défier des tanks armés, etc. Le film remet en question ici la notion de liberté et de mémoire et donne pour objet ce triptyque: «D'où je viens, où je suis et où je vais.» Grâce aux images d'archives, Jean-Michel Perez permet à ces gens de s'immerger complètement dans la grande histoire pour tenter de construire des passerelles entre leurs destins brisés qui jusque-là, sont bloqués en eux-mêmes et s' ignoraient. Dans un livre décrivant la notion du bonheur, un des détenus lisait à juste titre que le chemin pour y accéder est d'abord de regarder au loin...Une sagesse employée à bon escient par le réalisateur...Un travail d'atelier qui a porté ses fruits.