Par Abderrahmane Mebtoul, Expert international 1.- Après celle à 15 novembre 2008 à Washington, une autre réunion du G20 est prévue à Londres le 02 avril 2009 composée des pays développés et des pays émergents (l'Algérie n'ayant pas été invitée) Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique, Russie, Turquie représentant 85% du PIB mondial et 2/3 de la population mondiale. Elle sera consacrée à la crise financière d'une ampleur planétaire dont la sous capitalisation vient d'être estimée à mars 2009 à une perte de plus de 52.000 milliards de dollars contre 30.000 en novembre 2008 montrant la profondeur de la crise mondiale. Le BIT dans son dernier rapport de mars 2009 estime que le chômage risque de toucher entre 40 et 50 millions de personnes de plus dans le monde d'ici à 2010, atteignant un record de 250 millions de personnes fin 2009 Tout le système financier - banques, bourses, caisses d'épargne, agences de notation, normes comptables - est concerné. La crise financière s'avère profonde et n'en est qu'à ses débuts, et les premières conséquences économiques et sociales ne cessent de se faire sentir pouvant avec les ondes de choc aller jusqu'en 2014/2015, s'il y a une légère reprise fin 2010 début 2011, en fonction des thérapeutiques préconisées. La banque mondiale et le FMI dans leurs derniers rapports du 8 mars 2009,notent que la crise mondiale est sans pareil depuis la seconde guerre mondiale ,touchant tous les pays développés sans aucune exception , que la croissance mondiale sera certainement négative en 2009 et aura un effet dévastateur sur l'ensemble du monde et particulièrement sur bon nombre de pays du Tiers-Monde. Comme conséquence, l'on assiste au début à des mouvements sociaux de plus en plus persistants qui sont des révélateurs de l'aggravation des malaises des sociétés et de l'inquiétude croissante vis-à-vis de l'avenir et ce malgré une injection monétaire sans précédent et les interventions des banques centrales pour essayer de stabiliser le système financier et répondre à la paralysie du marché . 2. Tout système économique et financier fiable repose sur la confiance. Avec les banqueroutes répétées, le crédit interbancaire source de l'expansion de l'économie mondiale a eu tendance à s'assécher surtout au niveau des banques d'affaires qui ont connu une expansion inégalée durant la période contemporaine. Or, à la différence d'une banque universelle, une banque d'affaires n'a pas la possibilité, en cas de conditions de marché difficiles, de s'appuyer sur les dépôts des particuliers pour lever des fonds pour le court terme, bien qu'elles continuent à émettre des dettes à court terme pour financer leur activité. Or, de plus en plus les établissements financiers auprès desquels les banques d'affaires se refinancaient, refusent en période de crise de prêter par manque de confiance dans la capacité de remboursement de ces banques. Cette crise est liée à la financiarisation accrue en déconnection avec la sphère réelle et la non symbiose de la dynamique économique et de la dynamique sociale oubliant que le travail est certes un prix mais créateur de valeur et vecteur de croissance à travers la consommation. Or, une des raisons de la crise de 1929 est que les revenus étaient mal répartis entre salaires et profits, entre les plus riches et les autres. C'est cette émission sans frein de dollars combinée avec la baisse de la salarisation au sein du PIB (pouvoir d'achat) qui a permis aux opérateurs sur les marchés financiers d'acheter à crédit. Ces dysfonctionnements ont été concrétisés à travers la crise des prêts hypothécaires (subprimes ) en août 2007, crise qui s'est propagée à l'ensemble des bourses mondiales avec des pertes estimées à plusieurs centaines de milliards de dollars, phénomène qui n'explique pas toute l'ampleur de la crise que je résume en cinq étapes :a- les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d'intérêts élevés ;b- diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques "titrisent" leurs créances, c'est-à-dire qu'elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d'investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu'à 30 % par an), et faire jouer l'effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu'à 90 % des sommes nécessaires ; c- retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d'intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s'essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d'honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s'effondrer ;d- crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker , elles savent ce qu'elles ont dans leur bilan , mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d'où une grave crise de confiance et depuis juillet 2007, cette situation fait chuter les bourses et paralyse le marché inter-bancaire , les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge ;e- intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché , les banques centrales de tous les pays développés et pays émergents sont intervenues massivement début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d'euros de liquidités et avec des taux d'intérêts directeurs des banques centrales allant vers zéro, limitant ainsi toute politique monétaire future. 3. C'est dans ce contexte que se réunit le G20 qui devrait axer sa stratégie autour de cinq objectifs :-premièrement de dégager une réponse commune à la crise financière en évitant toute forme de protectionnisme qui accroîtrait la crise mondiale comme en 1929, en ouvrant les pistes d'une réforme en profondeur du système financier international mais avec des divergences : les européens privilégient une nouvelle régulation de l'économie mondiale ; la position des USA ,qui veulent toujours garder la suprématie , est la relance à travers de nouvelles injections monétaires et la position du FMI, intermédiaire, donnant à la fois la priorité à l'assainissement des actifs pourris des banques et à de nouveaux mécanismes de régulation. Deuxièmement la position des pays émergents qui proposent une nouvelle monnaie internationale, (rappelons qu'on avait connecté le dollar à l'or, puis nous avons assisté à sa déconnection en 1971 avec la suprématie du dollar comme étalon d'échange international qui représente aujourd'hui en 2008, bien qu'en diminution relative plus de 60% des transactions internationales mondiales),une plus grande représentation au niveau du FMI et de la banque mondiale car le risque à terme, en cas de méfiance en le dollar, étant son déclassement ce qui accélèrerait sa dépréciation ; troisièmement, prendre de nouvelles initiatives pour parer à d'éventuelles faillites bancaires et imposer aux banques de nouvelles normes comptables ; -quatrièmement des règles plus strictes sur les agences de notation, la titrisation,le blanchissement d'argent et les parachutes dorés en moralisant le capitalisme; enfin cinquièmement accroître les dépenses publiques à travers des déficits budgétaires coordonnées, ciblées , mais au profit des économies d'énergies et des énergies renouvelables (accord de Kyoto) pour le BTPH et des technologies propres pour le secteur automobile, remettant d'ailleurs en cause le pacte de stabilité. En résumé dans ce contexte incertain, doit-on se contenter de revenir à une politique de régulation économique qui pourrait prendre la forme d'un "néo-keynésianisme vert mondial", ou doit-on envisager concrètement une autre forme du capitalisme tenant compte des interdépendances accrues des économies et de la marginalisation des 2/3 de la population mondiale ? Un échec de la réunion du 02 avril 2009 serait désastreux pour l'avenir de l'économie mondiale.