La Banque centrale européenne (BCE) a pris les marchés financiers de court en ne comprimant son taux de refinancement que d'un quart de point, mais elle a laissé la porte ouverte à de nouvelles réductions. Le président Jean-Claude Trichet a déclaré, lors de la conférence de presse, que le Conseil des gouverneurs prendrait une décision quant à l'opportunité de nouvelles mesures "non conventionnelles" lors de sa réunion du mois prochain. La baisse opérée jeudi ramène le taux refi, le principal taux directeur de la BCE, à un nouveau plus bas record de 1,25% et Trichet estime que ce faisant la stabilité des prix sera maintenue dans une zone euro qui subit un ralentissement économique sévère. Les économistes anticipaient une baisse du taux refi d'un demi-point, ce qui l'aurait ramené à 1,0%, mais Trichet a laissé entendre que la BCE, qui a abaissé les taux à six reprises depuis le 8 octobre, pourrait encore récidiver. Prié de dire si 1,25% était le plancher de son taux refi, Trichet a répondu: "Je dirais très franchement en ce qui concerne le principal taux directeur que ce n'est pas un plancher. Je ne peux pas exclure que nous puissions descendre plus bas que le niveau actuel, de manière très mesurée." "J'ai dit que 1,25% n'est pas le plus bas niveau que nous aurions décidé ex ante", a-t-il ajouté. Quant à la conjoncture économique dans son ensemble ou dans la zone euro, Trichet a déclaré: "Les dernières données et enquêtes économiques disponibles confirment que l'économie mondiale y compris la zone euro enregistre un sévère ralentissement. La demande à l'échelle globale comme dans la zone euro devrait rester très faible en 2009 avant de se reprendre graduellement en 2010." La baisse d'un quart de point a concerné les trois taux directeurs de la BCE, dont celui des dépôts, revenu à 0,25%, et qui constitue le taux plancher du marché monétaire. Mais la BCE a le souci de ne pas voir les taux du marché tomber à zéro et Trichet a minimisé la probabilité de voir le taux des dépôts - qui exprime l'intérêt versé par la BCE aux banques qui déposent sur ses comptes - devenir nul. L'euro a accru ses gains contre le dollar et le marché obligataire européen a creusé ses pertes après cette annonce, le rendement à deux ans atteignant un pic de près d'une semaine. "Ce fut une surprise. On dirait un compromis et cela veut dire que les anticipations d'une nouvelle baisse des taux restent d'actualité", dit Rainer Guntermann (Dresdner Kleinwort). "Il est décevant que le Conseil des gouverneurs n'ait pas réagi de manière plus décisive." Les économistes se demandaient par ailleurs si la banque centrale en viendrait finalement à prendre les mesures d'assouplissement quantitatif déjà à l'oeuvre aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou au Japon. Mais Trichet, qui considère que la BCE a déjà pris des mesures dites non conventionnelles, leur a dit d'attendre jusqu'à la réunion de mai. "Il est dans les intentions du Conseil des gouverneurs de prendre une décision sur de nouvelles mesures non-conventionnelles", a-t-il dit. "Tous les détails la prochaine fois (dans un mois)." "La seule explication possible au fait que la BCE n'ait contre toute attente réduit que de 25 pdb sa batterie de taux est son intention de laisser la porte ouverte à un nouvel assouplissement conventionnel et de démarrer un assouplissement non conventionnel dès sa prochaine réunion", commente Ashraf Laidi (CMC Markets). "La BCE emploiera peut-être les quatre semaines qui viennent à élucider le sens de 'mesures non conventionnelles' et à déterminer si étendre l'échéance de la facilité de prêt ou acheter des actifs privés s'y applique." Pour Aurelio Maccario (UniCredit), la réunion de mai sera intéressante à plus d'un titre. La BCE "annoncera sans doute une nouvelle baisse du taux refi, laissant en théorie la porte ouverte à de nouvelles baisses mais laissant entendre qu'en principe elle en restera là sauf si la déflation se concrétise", dit-il.