Film posthume, " Un si beau voyage" de Khaled Ghorbal est actuellement à l'affiche des cinés parisiens en espérant que l'une de nos boites de distribution pense à le faire venir dans nos salles. Sorti donc le 18 mars dernier ce film est un événement puisqu'une année après sa disparition, Farid Chopel est en haut de l'affiche dans " Un si beau voyage " ultime œuvre qu'il a interprétée avec le cinéaste tunisien Khaled Ghorbal. Chopel campe un vieil ouvrier tunisien en France, prématurément retraité pour cause de maladie, qui décide de rentrer finir ses jours au pays. Dans ce film tourné en 2007, dans lequel il tient son premier rôle principal, le comédien est bouleversant face à la maladie qui le ronge. Pour Khaled Ghorbal, le film " ne se veut pas tant la chronique ordinaire d'un ouvrier immigré qu'une fable sur l'exil et la solitude, un hommage à tous ceux qui vivent " à côté " de chez eux, et bien souvent d'eux-mêmes, en décalage ". Farid Chopel est décédé le 20 avril 2008 à Paris, à l'âge de 55 ans, d'un cancer foudroyant diagnostiqué lors de son hospitalisation peu de temps auparavant. Né Farid Rabia, en 1952 à Paris, ce fils d'émigrés algériens s'est formé au théâtre gestuel expérimental dans les années 70 au sein de la troupe "Leïla ". Chopelia (1978), " un bijou de surréalisme poétique et drôle, d'une modernité incroyable " pour Ged Marlon, puis Les Aviateurs (1981), un énorme succès en compagnie de ce dernier, ont achevé d'imposer la silhouette élastique de cet artiste complet, auteur, acteur et danseur, défricheur de formes et de langages influencés par le cinéma, la musique et le cirque. Auréolé de son succès, Farid Chopel poursuit avec des spectacles qui font la part belle à la musique (Santa Claus is back in town en 1983) et à l'improvisation, (Putting'on my boots i'm going to my roots en 1985 qui ouvre la voie au Cri de la girafe l'année suivante). Durant cette période, il tourne dans une dizaine de films qui comptent des succès populaires comme " La Femme de mon pote de Bertrand Blier (1983), " " L'Addition " de Denis Amar (1984) ou " Sac de nœuds " de Josiane Balasko (1986) et une publicité très remarquée pour Perrier signée Lautner. L'acteur à l'humour ravageur va pourtant se retirer loin des projecteurs. Après une retraite de dix ans, il était de retour en 2004 avec " Le Pont du milieu " dans lequel il s'est épanché sur son enfance, ses tribulations de jeunesse, la découverte du théâtre, le succès et les raisons de sa retraite. Un spectacle dont Brigitte Morel, qui l'a mis en scène, dit : " Farid Chopel parle très gravement, et c'est à mourir de rire, de lui et de sa vie. C'est authentique, complètement fou, absolument vrai... ". Autre des apparitions dans " C'est beau une ville la nuit " de Richard Bohringer (2005) et " C'est Gradiva qui vous appelle " d'Alain Robbe-Grillet (2006). En 2005, Farid Chopel a en outre publié " Et je danse encore " (Editions Privé), une autobiographie co-écrite avec Brigitte Morel, sa compagne dans la vie. "Un si beau voyage " est le premier film tunisien projeté dans le cadre de la compétition officielle de la 22ème session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC). Le film du réalisateur Khaled Ghorbel a été suivi par de nombreux cinéphiles en présence de son réalisateur et de plusieurs acteurs du film. Les événements de ce long- métrage, qui est du genre dramatique, ont été filmés entre la capitale française et le sud tunisien. Le film pose la question de l'aliénation et la recherche identitaire et de soi à travers l'histoire de Mohamed, un personnage interprété par l'acteur d'origine algérienne Farid Chopel, un des tunisiens résidant en France et qui s'est retrouvé, après de longues années d'immigration, obligé de retourner à son pays, compte tenu des conditions difficiles de séjour en France après sa mise en retraite. Le réalisateur affirme avec, la succession des événements que la patrie, demeure l'origine même si les sentiments d'aliénation nous envahissent à notre retour, et ce, à travers la métamorphose des expressions du visage de Mohamed pour exprimer la réconciliation avec son être et avec les autres et mettre un terme aux sentiments de solitude, d'isolement et de perdition, lesquels sentiments ont failli l'achever dans la pauvre cité parisienne où il résidait. Rachida Couri