Du fait de la hausse démographique et de la pression environnementale, les pays du Sud et de l'Est du bassin méditerranéen vont être particulièrement exposés à l'insécurité alimentaire dans les prochaines années. Face à ce défi, le Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes (Ciheam), organisation intergouvernementale, appelle en toute urgence à y "repenser le développement rural", dans un rapport publié mercredi 8 avril. La crise alimentaire de 2008, qui a touché le Maroc, la Tunisie, l'Algérie mais aussi l'Egypte, a servi d'électrochoc et favorisé l'accélération de la réflexion. "Les émeutes de la faim ont rappelé à quel point la région est dépendante des marchés mondiaux", estime Bertrand Hervieux, le directeur du Ciheam. Le Maghreb représente 1 % de la population mondiale, mais 8 % des importations de blé, par exemple. Pour le Ciheam, la prise de conscience, par les Etats, des dangers que représente la problématique agricole et alimentaire est "en cours, mais pas suffisante". Or, "on ne peut imaginer un espace de paix sans que chacun puisse manger à sa faim", estime un responsable du Ciheam. Son équipe se dit interpellée par les dynamiques qu'elle constate en milieu rural, où la tendance est non pas à la progression mais à la dégradation du niveau de vie. Contrairement aux pays du nord du bassin méditerranéen, la population rurale, et même agricole, augmente au Sud et à l'Est, où l'exode rural est freiné par la misère urbaine. Par conséquent, la taille des exploitations diminue. Le milieu rural se caractérise par la monoactivité : seule l'agriculture fait vivre la population. Pour contenir la pauvreté, s'y développe en outre, un salariat fragilisé, qui se conjugue au processus de migration clandestine. Le Ciheam s'inquiète aussi du manque de possibilités de développer la production agricole, alors que la population rurale a perdu son savoir-faire en agronomie, du fait, comme en Algérie, de la colonisation, puis de la décolonisation et, enfin, des tentatives de collectivisation. Surtout, comme l'indique l'observatoire environnemental Plan bleu, qui a corédigé le rapport, le réchauffement climatique va faire subir aux territoires ruraux des contraintes croissantes en matière de disponibilité d'eau et de terres. Il faut donc repenser au plus vite le développement agricole. "La bipolarité du modèle actuel, avec une agriculture d'exportation très peu durable et une agriculture familiale qui se délite, n'offre pas de perspectives", prévient Bertrand Hervieu. Il ajoute un troisième type de production, en plein essor : l'agriculture de survie, signe du "mal-développement. Dalila B.