Le président Barack Obama a ouvert une brèche, lundi, dans l'embargo américain qui frappe Cuba depuis 47 ans. Rompant une nouvelle fois avec la politique de son prédécesseur George Bush, qui avait durci la politique envers l'île communiste, le nouveau locataire de la Maison blanche a mis fin aux restrictions qui visaient les voyages et les transferts d'argent des Cubano-Américains vers Cuba. Il a également autorisé les entreprises américaines de télécommunications à fournir des services aux Cubains. Les décisions dévoilées par la Maison blanche ne lèvent pas l'embargo commercial contre Cuba mais elles pourraient ouvrir la voie à une amélioration des liens entre les deux pays, ennemis de longue date. "Le président a ordonné une série de mesures à l'attention du peuple cubain pour soutenir son désir de jouir de droits humains fondamentaux", a déclaré le porte-parole de la présidence, Robert Gibbs. "Ce sont des actions visant à ouvrir le flux d'information." Obama espère que les nouvelles mesures encourageront Cuba à entreprendre des réformes démocratiques, condition posée par Washington à la levée de l'embargo imposé après la prise de pouvoir par Fidel Castro en 1959. Les firmes de télécommunications américaines seront autorisées à établir des liens par câble, fibre optique ou satellite avec Cuba et à permettre aux résidents américains de payer des abonnements de téléphone, de radio ou de télévision à des particuliers à Cuba, a précisé la Maison blanche. L'annonce des ces assouplissements a fait bondir plusieurs entreprises directement concernées par le commerce avec Cuba, comme le groupe minier canadien Sherritt International, dont l'action a grimpé de 25%. Obama a aussi demandé à son gouvernement d'étudier la possibilité d'ouvrir des liaisons aériennes régulières avec l'île. Les liaisons aériennes entre les deux pays se limitent actuellement à des vols charter. Même s'ils réclament avec insistance la levée de l'embargo depuis des années, les dirigeants castristes ont réagi par le passé avec méfiance à ce genre d'initiatives présentées par Washington comme un moyen de "débloquer" le système politique cubain. La Havane rejette les arguments selon lesquels il lui faudrait adopter un système démocratique à l'occidentale et a déjà qualifié de subversifs de précédents efforts des Etats-Unis pour transférer des fonds ou de l'équipement de télécommunications aux opposants politiques ou aux journalistes indépendants exerçant sur l'île. Les partisans d'un assouplissement des sanctions ont accueilli avec enthousiasme les mesures concernant les familles, qui toucheront environ 1,5 million d'Américains de souche cubaine qui ont des proches à Cuba. Ils souhaitent même d'autres mesures pour démanteler l'embargo commercial, qu'ils jugent inefficace et dépassé. Des éléments conservateurs estiment à l'opposé que la stratégie d'Obama fournira au gouvernement cubain des liquidités qui l'aideront à se maintenir. "Le président Obama a commis une grave erreur", ont estimé deux élus de Floride, où vit l'essentiel de la communauté cubaine exilée aux Etats-Unis, critiquant une décision unilatérale sans contrepartie. Le projet de levée de certaines restrictions, promis par Barack Obama pendant sa campagne présidentielle, avait été dévoilé au début du mois par le Wall Street Journal et confirmé par la Maison blanche. Le renouveau des relations entre Cuba et les Etats-Unis a notamment été symbolisé par la visite, début avril, d'une délégation de six élus démocrates dans l'île caraïbe, où ils ont rencontré le chef d'Etat Raul Castro et son frère et prédécesseur Fidel. A l'issue de leur visite, les délégués s'étaient dits impressionnés par la volonté de Raul Castro de mettre un terme à l'inimitié entre les deux pays. La décision d'Obama survient à quelques jours du sommet des Amériques, qui se tiendra de vendredi à dimanche à Trinité-et-Tobago. Jusqu'à présent, les Cubains vivant aux Etats-Unis n'avaient le droit se rendre dans l'île qu'une seule fois par an et de n'envoyer que 1.200 dollars par personne en liquide aux membres de leur famille dans le besoin à Cuba. A l'aéroport de La Havane, théâtre depuis des décennies de scènes d'adieu déchirantes entre des familles séparées par l'hostilité idéologique entre les deux pays, les Cubains ont laissé éclater leur joie à l'annonce de cette mesure. "C'est la plus belle chose qui pouvait arriver", a déclaré Pablo, un homme de 60 ans, en disant au revoir à sa fille repartant pour Miami.