La troisième journée de plaidoiries dans le procès de la caisse principale d'El Khalifa Bank, au tribunal criminel de Blida, a été marquée par l'intervention de l'avocat de la banque en liquidation. C'est ainsi qu'il en ressort que les créanciers d'El Khalifa Bank, dont la faillite a causé un préjudice total de plus de 1,5 milliard (md) de dollars, ne pourront être remboursés qu'à hauteur de 5% environ. Maître Meziane demandera, d'ailleurs, qu'El Khalifa Bank soit acceptée comme partie civile, c'est-à-dire victime de "Rafik Khalifa et ses complices". Maître Meziane argumentera sa requête en mettant en relief le fait qu'El Khalifa Bank, "en tant que personne morale, a subi un préjudice du fait des agissements diaboliques de Rafik Khelifa". L'avocat qui représente Moncef Badsi, le liquidateur d'El Khalifa Bank, nommé en juin 2003 par la Banque d'Algérie, a indiqué que l'évaluation du préjudice causé à la banque était encore provisoire, car la liquidation n'est pas encore terminée, avant d'ajouter qu' "une fois la liquidation terminée, les créanciers qui ont été enregistrés par les services de la liquidation seront remboursés selon les actifs récupérés lesquels, malheureusement ne dépasseront probablement pas 5% du préjudice". L'avocat a catégoriquement réfuté les allégations du principal accusé, en fuite, dans le procès de la caisse principale d'El Khalifa Bank, qui a récemment déclaré depuis Londres sur la chaîne satellitaire Al-Djazira qu'il avait "laissé 3 milliards de dollars dans les caisses d'El Khalifa Bank" au moment où il avait pris la fuite vers l'étranger, en 2003. "Tout ce qu'a laissé Rafik Khalifa est un grand trou dans les caisses de la banque", insiste M. Meziane avant d'ajouter que "contrairement à ce qu'a dit l'accusé, l'affaire n'est pas politique, mais il s'agit bien d'une énorme malversation dont il est responsable". "Des personnes tiraient des sommes faramineuses de la banque avec seulement des bouts de papier et des cartes de visites signés du PDG. Comment alors peut-il dire, avec une gestion comme la sienne, combien il a laissé dans les coffres", s'est interrogé l'avocat. Celui-ci a ensuite résumé les conditions de création, en juillet 1998, et de fonctionnement d'El Khalifa Bank. Il a estimé, d'après les documents en possession des services de la liquidation, qu'El Khalifa Bank "fonctionnait assez bien en 1998 et 1999". "C'est à partir de 2000 que les violations de la loi ont été les plus nombreuses, surtout en 2002", a-t-il noté. Il a affirmé que "sur le bilan de 2002 d'El Khalifa Bank , évalué à 126 milliards DA, 76% de ce montant était réparti sur des comptes à ordre, destinés à camoufler les malversations et les virements sur les sociétés apparentées créées avec l'argent des déposants". M. Meziane a réfuté l'existence même d'un groupe Khalifa. "En réalité, Khalifa a pris des capitaux d'El Khalifa Bank pour créer des sociétés apparentées, dont Khalifa Airways, qui ont pompé illégalement des sommes énormes de la banque, alors qu'elles n'avaient même pas de compte à El Khalifa Bank", a-t-il soutenu. M. Meziane a également défendu bec et ongle son client et ses agissements en tant que liquidateur d'El Khalifa Bank affirmant que Badsi avait "ordonné la destruction de tous les documents vierges dans toutes les agences d'El Khalifa Bank, dans le but de mettre fin au trafic des faux bons de caisse et autres documents auquel s'adonnent certains employés de la banque qui voulaient profiter du chaos". Il a ajouté que le liquidateur déployait tous ses efforts "pour récupérer les actifs d'El Khalifa Bank", mais qu'il était confronté à "beaucoup de difficultés", notamment lorsqu'il s'agit de récupérer des biens à l'étranger. 51 milliards DA pour les contrats de sponsoring Il a indiqué que Badsi avait rencontré à Londres Rafik Khalifa et que celui-ci lui avait dit qu'il avait 5% des actions de la Barkley-Bank, ajoutant qu'il était cependant difficile de récupérer ce genre d'actif au profit des créanciers. "Rafik Khalifa a acheté des biens à l'étranger en transférant illégalement des devises d'Algérie", a déclaré l'avocat. Il a cité comme exemple "la fameuse villa à Cannes, en France, d'une valeur réelle de 12 à 13 millions d'euros et pour laquelle Khalifa a payé 35 millions d'euros". "Lorsqu'il a eu besoin d'argent, il l'a cédé à 16 millions d'euros, dont 3 millions partis dans la poche d'un intermédiaire", a dit Maître Meziane. L'avocat de la liquidation est ensuite revenu, en détail, sur les agissements "illicites" à El Khalifa Bank, notamment les transferts de devises à l'étranger. Il a ainsi indiqué que des "comptes fantômes" ont été créés par certains des dirigeants de la banque au nom de personnes fictives pour camoufler des sorties d'argent frauduleuses. Il a aussi défendu la Banque d'Algérie, qui avait un rôle de contrôle de toutes les banques, affirmant que "Rafik Khalifa et ses associés ont profité de la conjoncture de l'époque" et que "des cadres d'un très haut niveau ont été ses victimes". Il a précisé que c'étaient les sociétés du secteur public qui ont, le plus pâti, de la faillite provoquée d'El Khalifa Bank , où elles avaient, en tout, des dépôts à terme (DAT) de 56,7 milliards DA, largement plus que les sociétés privées (2,6 milliards DA). Plusieurs dirigeants du secteur public, dont une trentaine d'anciens directeurs des offices de promotion et de gestion immobilière (OPGI) à travers le territoire national paraissent en tant qu'accusés lors de ce procès, car soupçonnés par le parquet d'avoir touché des commissions en échange de DAT faits à El Khalifa Bank. Maître Meziane a déploré cependant "la loi de l'omerta" que suivent, selon lui, certains prévenus. "Il est vrai que les principaux accusés sont en fuite, mais certains, de ceux qui sont ici, dans le box des accusés, savent où sont parties des sommes importantes et gardent le silence", a-t-il observé. Il a enfin indiqué que les activités de sponsoring de Rafik Khalifa, dont le but était de "s'acheter une crédibilité pour tromper les clients", ont coûté à El Khalifa Bank environ 51 milliards de dinars.