Abdelkader Alloula, l'un des rares esprits libres du 4ème art, a été au centre d'un débat organisé au théâtre régional d'Oran à l'occasion d'une biennale qui lui a été consacrée à titre posthume. L'un des thèmes qui a attiré l'attention lors de ce rendez vous était- intitulé, "Le théâtre de Alloula et la nouvelle génération." Un thème d'actualité qu'a longuement commenté le comédien Mohamed Mihoubi qui a soutenu que Abdekader Alloula " est l'un des rares hommes de théâtre qui ont tenté de mettre cet art au diapason des mutations socioculturelles et intellectuelles du pays ".Le conférencier avait abordé le volet des " luttes culturelles " ayant poussé Alloula à modeler son approche du théâtre, avec comme pièce-maitresse " Homk Salim " que les spécialistes ont assimilé à un manifeste de " messages artistiques et sociaux ", ou encore "Lejouad" et "Arlequin" par lesqueles il avait affiné " la gageure de parler vrai ", considérant l'art comme un " déclencheur de prise de conscience ". C'est donc un théatre engagé qu'a voulu fonder cet artiste qui puisait l'essentiel de son œuvre dans la tradition du Goual. Rappelez -vous qu'avant l'existence des portables, c'était dans les souks, qu'on s'informait. Les " diseurs " annonçaient une nouvelle, un événement…etc. Ceux qui entendaient sa voix se dirigeaient vers lui pour mieux écouter. D'emblée ils formaient un cercle qui s'appelle halqa en arabe. Ce cercle permet ainsi de situer le diseur, qui est appelé officiellement le goual, au centre. Il devient le centripète de la narration. Puisant dans cette tradition Abdelkader Alloula a écrit une trilogie El-Agoual (Les Dires) 1980, El-Adjouad (Les Généreux) 1984, El-litham (Le Voile) 1989. Rassemblée sous le titre " Les dires éclatés de 1980 à 1989 " l'omniprésence de la narration est prise en charge par le goual. Des chroniqueurs voient en Abdelkader Alloula " l'artiste complet " qui a tenté de refondre " la structure théâtrale ", toujours à l'écoute tant du public que " des petites gens ", avec comme moyens la simplicité du verbe et le génie populaire, et comme unité de but " théâtraliser les faits " de société. Au menu de cette biennale, organisée dans le cadre de la journée nationale de l'artiste sous le signe " El Qods, capitale de la culture arabe ", figurent deux conférences intitulées " Alloula, dramaturge de tous les temps " du professeur Zilal Abdelkrim et " El Haka " du professeur Mansouri Lakhdar. Ouverte par la présentation de la pièce " Sadma ", une adaptation de "l'attentat" " de Yasmina Khadra, cette biennale a été marquée par la participation de sept troupes professionnelles de différentes régions du pays. Abdelkader Alloula (1929 - 1994) a animé durant plus de trente ans un théâtre en arabe populaire résolument inscrit dans la vie de la cité. Tour à tour acteur, metteur en scène et auteur dramatique, il fut également administrateur de théâtre et directeur de troupe. Né à Ghazaouet, le jeune Alloula s'initie au théâtre amateur au lycée, suit un stage d'art dramatique en France et rejoint le Théâtre National Algérien à sa création en 1963. Comédien, il joue sous la direction de Mustapha Kateb (" Les Enfants de la Casbah "et " Le Serment de Abdelhalim Raïs ", Hassen Terro de Rouiched, " La Vie est un songe " de Calderon, " Dom Juan " de Molière), de Allel el-Mouhib (Roses rouges pour moi de Sean O'Casey et La Mégère apprivoisée de Shakespeare), de Hadj Omar (Les Chiens " de Tom Brulin). Après avoir mis en scène " El-Ghoula" de Rouiched (1964), " Le Sultan embarrassé " de Tewfik El-Hakim (1965) et " Numance " de Cervantès (1968), dans une adaptation de Himoud Brahimi et Mahboub Stambouli, il fait également des débuts remarqués d'auteur avec " El-Aaleg " (Les Sangsues, 1969), une fresque humoristique sur l'univers bureaucratique et " El-Khobza (Le Pain, 1970) où défilait déjà sur scène le petit peuple d'Oran, " héros ordinaires " ballotés entre inquiétude et espoir. Alloula sera dans le même temps l'interprète à succès de " Homq Salim " (Folie salutaire, 1972), sa propre adaptation du " Journal d'un fou " de Nicolas Gogol. La pièce déplacera à nouveau des foules lors de sa reprise en 1982. Suivront " Hammam Rabi " (Les Thermes du Bon Dieu, 1975), " Hout yakoul hout " (1975) et " Les Bas-Fonds " de Maxime Gorki (1982). Par Rebouh H