La ville de Tlemcen se prépare à rendre le 14 mars prochain un hommage posthume au dramaturge Abdelkader Alloula à l'occasion du 16ème anniversaire de sa tragique disparition en 1994. Au menu de cette célébration toute une journée consacrée à revisiter l'œuvre et le parcours de cet homme des planches passionné par le 4ème art. Ça se passera à la maison de la culture de Tlemcen qui porte son nom. Cet hommage, initié par l'association culturelle "La grande maison" de Tlemcen sera rehaussé par la présence de son épouse Radja, présidente de la fondation "Abdelkader Alloula ". Ce rendez-vous organisé de concert avec la maison de la culture de Tlemcen qui accueillera en 2011 l'une des activités du grand rendez-vous de "Tlemcen, capitale de la culture islamique ", inclura une table ronde regroupant enseignants et chercheurs de différentes universités du pays. Les thèmes débattus auront pour titre entre autre "L'approche de l'œuvre de Alloula par les troupes et les jeunes amateurs de théâtre", en plus des expositions de photos et d'affiches de l'œuvre du dramaturge, une projection de documentaire et une lecture en amazigh de la pièce théâtrale "Et Teffeh" (Les Pommes). Une représentation de cette pièce, écrite et mise en scène en 1992 par Alloula, sera donnée à cette occasion par la coopérative théâtrale "Le Triangle Ouvert". Alloula est décédé le 14 mars 1994 après avoir été grièvement blessé lors d'un attentat terroriste perpétré à son encontre quatre jours auparavant, à la sortie de son domicile à Oran, alors qu'il se rendait à une soirée culturelle du mois de Ramadhan. Connu pour avoir consacré sa vie au développement du 4e Art, il fut l'auteur et metteur en scène de plusieurs pièces. L'œuvre de Abdelkader Alloula, l'un des rares esprits libres du 4ème art, a fait l'objet de plusieurs recherches . Dans un débat intitulé, "Le théâtre de Alloula et la nouvelle génération", le comédien Mohamed Mihoubi avait soutenu que Abdekader Alloula " est l'un des rares hommes de théâtre qui ont tenté de mettre cet art au diapason des mutations socioculturelles et intellectuelles du pays ".Le conférencier avait abordé le volet des " luttes culturelles " ayant poussé Alloula à modeler son approche du théâtre, avec comme pièce-maitresse " Homk Salim " que les spécialistes ont assimilé à un manifeste de " messages artistiques et sociaux ", ou encore "Lejouad" et "Arlequin" par lesquels il avait affiné " la gageure de parler vrai ", considérant l'art comme un " déclencheur de prise de conscience ". Alloula, un artiste engagé C'est donc un théâtre engagé qu'a voulu fonder cet artiste qui puisait l'essentiel de son œuvre dans la tradition du Goual. Rappelez -vous qu'avant l'existence des portables, c'était dans les souks, qu'on s'informait. Les " diseurs " annonçaient une nouvelle, un événement…etc. Ceux qui entendaient sa voix se dirigeaient vers lui pour mieux écouter. D'emblée ils formaient un cercle qui s'appelle halqa en arabe. Ce cercle permet ainsi de situer le diseur, qui est appelé officiellement le goual, au centre. Il devient le centripète de la narration. Puisant dans cette tradition Abdelkader Alloula a écrit une trilogie El-Agoual (Les Dires) 1980, El-Adjouad (Les Généreux) 1984, El-litham (Le Voile) 1989. Rassemblée sous le titre " Les dires éclatés de 1980 à 1989 " l'omniprésence de la narration est prise en charge par le goual. Des chroniqueurs voient en Abdelkader Alloula " l'artiste complet " qui a tenté de refondre " la structure théâtrale ", toujours à l'écoute tant du public que " des petites gens ", avec comme moyens la simplicité du verbe et le génie populaire, et comme unité de but " théâtraliser les faits " de société. Abdelkader Alloula (1929 - 1994) a animé durant plus de trente ans un théâtre en arabe populaire résolument inscrit dans la vie de la cité. Tour à tour acteur, metteur en scène et auteur dramatique, il fut également administrateur de théâtre et directeur de troupe. Né à Ghazaouet, le jeune Alloula s'initie au théâtre amateur au lycée, suit un stage d'art dramatique en France et rejoint le Théâtre national algérien à sa création en 1963. Comédien, il joue sous la direction de Mustapha Kateb (" Les Enfants de la Casbah "et " Le Serment” de Abdelhalim Raïs, Hassen Terro de Rouiched, " La Vie est un songe " de Calderon, " Dom Juan " de Molière), de Allel el-Mouhib (Roses rouges pour moi de Sean O'Casey et La Mégère apprivoisée de Shakespeare), de Hadj Omar (Les Chiens " de Tom Brulin). Après avoir mis en scène " El-Ghoula" de Rouiched (1964), " Le Sultan embarrassé " de Tewfik El-Hakim (1965) et " Numance " de Cervantès (1968), dans une adaptation de Himoud Brahimi et Mahboub Stambouli, il fait également des débuts remarqués d'auteur avec " El-Aaleg " (Les Sangsues, 1969), une fresque humoristique sur l'univers bureaucratique et " El-Khobza (Le Pain, 1970) où défilait déjà sur scène le petit peuple d'Oran, " héros ordinaires " ballotés entre inquiétude et espoir. Alloula sera dans le même temps l'interprète à succès de " Homq Salim " (Folie salutaire, 1972), sa propre adaptation du " Journal d'un fou " de Nicolas Gogol. La pièce déplacera à nouveau des foules lors de sa reprise en 1982. Suivront " Hammam Rabi " (Les Thermes du Bon Dieu, 1975), " Hout yakoul hout " (1975) et " Les Bas-Fonds " de Maxime Gorki (1982).