Le premier ministre suédois, Fredrik Reinfeldt, en est convaincu : en cas d'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, au mieux début 2010, le premier président stable du Conseil européen devrait être un simple "chairman" capable de travailler en symbiose avec la Commission. Le Belge Guy Verhofstadt a été élu, mardi 30 juin, président du groupe libéral démocrate (ALDE) au Parlement européen. Son statut de candidat alternatif au Portugais José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne en sort renforcé alors que le Parlement doit examiner, du 14 au 16 juillet, la question de sa reconduction. Le Parti populaire européen (PPE), qui soutient M. Barroso, ne dispose pas d'une majorité suffisante pour forcer une décision et le Parti socialiste européen (PSE) est divisé. M. Verhofstadt est décrit comme un candidat "acceptable" par la gauche socialiste et les écologistes. Un autre nom cité est celui de l'ancien commissaire européen Mario Monti (conservateur), dont ne veulent notamment pas les socialistes français. - (Corresp.) S'il s'agissait d'une personnalité "plus forte", le risque serait, selon lui, de voir le futur président des Vingt-Sept s'adosser sur les grands Etats membres pour court-circuiter les petits et moyens pays. Contre l'avis de Nicolas Sarkozy, partisan d'une direction plus affirmée, M. Reinfeldt veut utiliser les six mois de la présidence tournante, qui commence le 1er juillet, pour faire avancer son point de vue. Pour commencer, le chef du gouvernement de centre-droit suédois est bien décidé à faire oublier au plus vite les mésaventures de la présidence tchèque. Le bilan de l'équipe sortante est jugé maigre, voire "catastrophique" par les dirigeants européens. Prague est certes parvenu à faire progresser quelques délicats dossiers, comme les taux réduits de TVA ou la régulation financière. Mais après la chute du cabinet dirigé par Mirek Topolanek, en mars, le gouvernement intérimaire a surtout expédié les affaires courantes, en partageant ses prérogatives avec Vaclav Klaus, le très eurosceptique chef de l'Etat. La situation domestique de M. Reinfeldt est plus confortable. Le chef du Parti conservateur espère profiter de ses six mois à la tête de l'Union européenne (UE) pour améliorer sa cote de popularité en vue d'un scrutin législatif incertain dans son pays, en septembre 2010. Les composantes de la coalition de centre-droit, au pouvoir depuis 2006, ont légèrement progressé lors des dernières élections européennes, le scrutin ayant surtout constitué un revers pour les forces les plus eurosceptiques. Contrairement à la présidence tchèque, la Suède entend concentrer ses efforts sur deux priorités : la crise économique et la lutte contre le réchauffement climatique. Tandis que le président tchèque doutait ouvertement de la stratégie climatique européenne, M. Reinfeldt veut porter haut l'ambition environnementale en vue de la conférence de Copenhague, en décembre. Il espère y convaincre les Etats-Unis et la Chine de faire plus contre le changement climatique. Un agenda qui risque d'être malmené par la crise économique. Dans ce domaine, les Vingt-Sept ont, à en croire M. Reinfeldt, épuisé leur capacité de stimulation de l'économie. Ils doivent donner la priorité à la supervision et réduire les "très gros déficits" générés par la crise. Un discours qui promet de belles passes d'armes avec M. Sarkozy, lequel refuse toute politique de rigueur et promet de nouveaux investissements financés par un grand emprunt national. A bientôt 44 ans, M. Reinfeldt mise sur les capacités d'influence d'un pays de taille moyenne, entré en 1995 dans l'UE, pour imprimer sa marque sur le fonctionnement des Vingt-Sept. Se démarquant du style Sarkozy au second semestre 2008, il se présente comme un "honnête courtier" entre les capitales. Pour lui, un pays comme la Suède ne peut être tenté "d'imposer son point de vue de manière dirigiste". Les obstacles sont cependant nombreux, qui risquent de compliquer sa démonstration. M. Reinfeldt craint par-dessus tout de voir sa présidence s'embourber dans les questions institutionnelles. Le sort du traité de Lisbonne est suspendu à un second référendum irlandais, début octobre, puis à la signature des présidents tchèque, et polonais. Le dirigeant suédois n'exclut pas de "nouveaux reports" avant l'entrée en vigueur du traité destiné à améliorer le fonctionnement de l'Union. Quant à la reconduction rapide de José Manuel Barroso à la tête de l'exécutif européen, elle demeure incertaine alors qu'au Parlement européen un vote de confirmation du candidat conservateur paraît de moins en moins probable en juillet. "L'Europe et la présidence suédoise ne peuvent se permettre une période de vacance du pouvoir", plaide M. Reinfeldt. R.I