Après avoir regretté les carences qui minent le cinéma africain dans sa globalité, les 120 cinéastes invités au colloque sur le cinéma qui s'est tenu le vendredi et samedi dernier à l'hôtel Aurassi, ont appelé à mettre en œuvre un " Nepad du cinéma et de la culture " en Afrique. Un Nepad qui selon eux permettra de relancer le 7ème art dans le continent tout en le prenant en charge sur le plan matériel.Mais qu'est ce que le Nepad du cinéma ou le Nepad tout court ? Petit cours d'histoire récente. En juillet 2001 trois chefs d'Etat africains, Abdoulaye Wade du Sénégal, Tabo Mbeki de l'Afrique du Sud, et Abdelaziz Bouteflika de l'Algérie avaient lancé le concept du Nepad, un terme anglais qui s'écrit Nopada en français, qui signifie " Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique ". C'est en fait une réponse pour enrayer la pauvreté croissante, les conflits de longue durée, la propagation débridée des épidémies du Sida et du paludisme ainsi que la marginalisation perpétuelle du continent. Il devait, en conséquence, contribuer à la création de conditions adéquates permettant au continent de jouer le rôle qui est le sien dans l'économie et les affaires politiques du monde. Le Nepad est une architecture d'une grande simplicité et d'une extrême limpidité, toutes qualités devant faciliter sa réalisation autour de la triptyque : les préalables politiques et institutionnels (paix, sécurité et gouvernance), les 8 priorités sectorielles (les infrastructures, l'éducation, la santé, l'énergie, l'agriculture, les TIC, l'environnement et l'accès aux marchés) et le cadre régional stratégique de mise en œuvre (découpage du continent en cinq régions : Afrique du Nord, l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique Centrale, l'Afrique de l'Est, l'Afrique Australe). Bien sûr qu'il faut une entente parfaite entre les dirigeants africains et beaucoup d'argent pour alimenter cette structure d'une Afrique qui se veut indépendante et tournée vers l'avenir. A cause des leadership, le Nepad n'a pas décollé, huit ans après sa création. Peut-on faire pareil pour le cinéma alors que le Nepad qui a été fortement applaudi à sa naissance a déjà un pied dans le cimetière ? En tout cas pour ce secteur précis du 7ème art qui doit avoir son propre budget, ses dirigeants, ses outils de production dans la transparence la plus totale, on parle de " regroupements régionaux cinématographiques en Afrique ou de fédérations de producteurs et réalisateurs du continent qui s'apparentent au Nepad ". Avec l'aide des gouvernants, ceux-ci doivent tout mettre en oeuvre pour créer des conditions favorables à la relance du cinéma en Afrique. Peut être que chaque pays doit d'abord commencer à reconstruire son cinéma avant de jeter les bases abstraites d'un 7ème art plus global qui concerne l'Afrique. Les tendances artistiques ainsi que les motivations culturelles ne sont jamais les mêmes. Lors de ce colloque organisé dans le cadre du Panaf 2009, le producteur et réalisateur algérien, Boualem Benaïssa, a relaté l'expérience des entreprises privées de production audiovisuelle en Algérie, lesquelles avaient vu le jour dans les années 1990, faisant remarquer qu'elles manquent encore d'expérience dans la mesure où elles travaillent seulement pour la télévision algérienne.Une télé qui finance souvent à hauteur de 50% tous les projets et qui est la seule à avoir le " pouvoir " de diffusion des œuvres qu'elle a soutenues ou autres. Pour le réalisateur et producteur tunisien, Nadjib Ayad qui est également secrétaire général des producteurs tunisiens, les sources de financement se tarissent en Occident, ce qui affecte le financement du cinéma africain. Il a donc appelé les cinéastes africains à se prendre en charge en se regroupant pour produire leurs films, tout en regrettant que dans certains pays africains, le cinéma ne représente pas du tout une priorité. " Les pays africains doivent plutôt aller vers la stratégie de l'image et ne plus considérer le cinéma comme un art à part, a constaté Ayad, soutenant qu'il il n'y a qu'une seule stratégie entre le cinéma et la télévision ". Selon ce cinéaste tunisien, il y a actuellement 600 chaînes satellitaires arabes dont un tiers sont spécialisées dans la fiction. Il a expliqué que ces chaînes qui s'intéressaient au cinéma égyptien, une véritable industrie en la matière, se tournent actuellement vers le cinéma maghrébin d'où la nécessité d'aller vers des regroupements et des coproductions, a-t-il recommandé. Une idée tout à fait ingénieuse qui risquerait selon toute vraisemblance d'être confrontée aux intérêts individuels ou régionaux, le cinéma étant une machine budgétivore tout comme l'est d'ailleurs le Nepad, d'après les spécialistes. Yasmine Ben