C'est un coup fatal pour la classe moyenne algériennes. En effet, la suppression du crédit à la consommation, hormis le crédit à l'immobilier, à travers la loi de finances complémentaire 2009, suscite encore la réaction de plus d'un. En effet, cette mesure est considérée comme un coup dur pour les ménages algériens. De ce fait, cette décision inattendue a surpris les experts et même les banquiers de la place. Pour l'économiste Abderrahmane Mebtoul, cela s'explique par le fait que le problème pour l'Algérie réside dans l'offre, "du fait de la faiblesse de la production locale, cet octroi de crédits dynamisant les importations et donc créant des tensions au niveau de la balance des paiements." Il est à noter que dans les pays développés le crédit à la consommation redynamise l'économie par la consommation (théorie keynésienne de la relance de la demande globale consommation et investissement) ce qui s'est fait dans bon nombre de pays actuellement avec la crise. Dans cette optique et selon des chiffres émanant de l'Association des banques et établissements financiers (Abef), les ménages algériens se sont endettés à hauteur de 100 milliards de dinars (1,3 milliard de dollars environ) représentant 3% des importations de l'année 2008, évaluées à 40 milliards de dollars, ayant progressé de 25% par rapport à 2007. Selon cet organisme public, "si les crédits dépassent 40% des revenus, le client est en situation d'endettement excessif. Dans les pays développés, il y a un taux d'endettement élevé. Alors qu'en Algérie, sur les 34 millions d'habitants, on compte 700 000 emprunteurs avec 2 à 3% d'impayés " toujours selon l'Abef. Dans cet ordre d'idées, M. Mebtoul estime, dans son analyse, que la "fin du crédit à la consommation, excepté pour l'immobilier, peut s'avérer d'un impact limité si l'on reste dans le statu quo actuel". Ceci est du à "l'absence de vision du développement par l'adaptation de l'Algérie aux nouvelles mutations mondiales et ce, en évitant de miser sur l'unique dépense monétaire et uniquement sur les infrastructures qui ne sont qu'un moyen de développement." L'expérience de l'Espagne, qui a misé sur ce segment et dont l'économie s'est écroulée avec la crise, doit, selon lui, être méditée. Cette mesure, au lieu de résoudre le problème à la racine risque de l'amplifier à terme car ayant une vision purement monétaire et commerciale. Peut-on imposer cette mesure aux banques privées qui sont libres de leur gestion ? A-t-on une politique cohérente du transport public pour suppléer au déficit ? Ne pénalise-t-on surtout les couches moyennes ? Pourquoi la faiblesse de cette croissance moyenne inférieur à 3% entre 2004/2009 malgré une dépense publique qui atteindra 200 milliards de dollars. Face à la détérioration du pouvoir d'achat, ne risque-t-on pas d'amplifier l'emprise du crédit informel, ce qui n'est pas propre à l'Algérie ? s'interroge l'économiste. En fait tout cela renvoie à l'entropie qui caractérise la gouvernance algérienne et la panne dans la réforme globale qui dépasse le cadre strictement économique. La suppression du crédit à la consommation est-elle la solution adéquate pour contenir les importions. Selon l'analyse de Mebtoul, "l'amélioration du pouvoir d'achat des Algériens passe inéluctablement par un retour à une croissance réelle hors hydrocarbure". Ceci exige, selon le même économiste, "une gouvernance rénovée tant centrale que locale et la valorisation du savoir, en levant toutes les contraintes d'environnement. Le blocage étant d'ordre systémique devant forcément approfondir les mutations structurelles, notamment éviter cette instabilité juridique qui déstabilise tout investisseur sérieux", précise-t-il. A cet effet, l'administration est toujours montrée du doigt, par les contraintes et la lenteur dans son fonctionnement. "Cette sclérose du système financier, lieu de redistribution de la rente, ce système socio-éducatif non adapté, les universités étant une usine à fabriquer des chômeurs potentiels, sans compter les importantes déperditions du primaire au secondaire, et cela, malgré des dépenses importantes supportées par le budget de l'Etat", estime-t-il. La solution réside, aussi, dans la mise en place de "mécanismes transparents qui favorisent la création de valeur ajoutée interne, loin des mesures administratives autoritaires de peu d'effets sur la société, ce qui suppose une autre culture économique propre du XXIe siècle", préconise Mebtoul. Et d'ajouter que "la raison du processus inflationniste et la faiblesse de l'investissement utile est liée à la logique biaisée de l'accumulation." Depuis 1986, estime, M. Mebtoul, l'Algérie est dans une interminable transition n'étant ni une économie étatisée, ni une véritable économie de marché concurrentielle, expliquant le peu d'efficacité tant de la régulation politique, sociale et économique. Synthèse Yazid Idir