Alors que l'Allemagne et la France commencent à sortir la tête de l'eau, l'Espagne continue d'évoluer en territoire négatif. Le PIB espagnol a accusé un recul plus important que prévu, de 1,1 %, au deuxième trimestre. Il s'agit de la quatrième baisse consécutive. Sur un an, l'économie s'est repliée de 4,2 %. Seul point encourageant, le ralentissement est moins marqué qu'au premier trimestre (- 1,9 %). Il n'empêche : dans le détail, les indicateurs ne prêtent guère à l'optimisme. "Le fait le plus saillant, c'est la contribution particulièrement négative de la demande intérieure de 7,3 points, relève Philippe Sabuco économiste chez BNP Paribas. Le recul des dépenses des ménages a été encore plus marqué au cours du deuxième trimestre : de 5,9 % (5,1 % au premier), et ce, malgré la baisse des prix. Le chômage galopant, qui a atteint au deuxième trimestre 17,9 % et pourrait dépasser les 20 % en 2010, pèse sur le moral des Espagnols. Les ménages, qui se sont lourdement endettés pendant les années d'euphorie immobilière, veulent reconstituer leur épargne. Plus grave, le pays souffre d'une crise structurelle, qui remet en cause un modèle de croissance trop axé sur la construction et le tourisme. D'autant que la crise immobilière, qui a précipité l'Espagne dans la récession, tarde à se résorber. Le volume des transactions et les prix continuent de chuter. Et l'économie n'a pas bénéficié cet été, en raison de la morosité générale, de la manne du tourisme. Autre facteur pénalisant, l'Espagne souffre vis-à-vis de ses voisins européens d'une faible productivité. Contrairement à l'Allemagne, l'économie hispanique ne peut guère compter sur ses exportations. "L'industrie spécialisée sur des biens à faible et moyenne valeur ajoutée subit notamment la concurrence des pays où la main-d'œuvre est moins chère", explique Philippe Sabuco. Pour autant, le gouvernement estime que le pire est passé. Les données permettent de penser que "nous aurions atteint le point culminant du rythme de détérioration de la situation économique", a déclaré jeudi le secrétaire d'Etat à l'Economie, José Manuel Campa. Donnant écho à ce propos, l'agence de notation Moody's a maintenu sa note "AAA", jugeant le pays "résistant", en raison de son faible endettement et de ses excédents budgétaires engrangés pendant les bonnes années jusqu'en 2007. Ces excédents ont toutefois été largement entamés par les ambitieux plans de relance qui se sont succédé depuis le début de 2008. Ainsi, le surplus budgétaire de 2,2 % du PIB en 2007 s'est transformé en déficit de 3,8 % en 2008. Il pourrait s'élever selon les prévisions du gouvernement à 9,5 %, voire 10 % en fin d'année. Le chef du gouvernement, José Luis Zapatero, a déjà annoncé des mesures d'austérité pour 2010, entre baisse des dépenses publiques et augmentation des taxes sur le tabac et l'essence. En évoquant jeudi dernier une possible hausse des impôts, le ministre de l'Equipement, José Blanco, par ailleurs numéro deux du parti socialiste espagnol, a jeté un pavé dans la mare juste avant l'ouverture du débat parlementaire sur le budget. Au-delà du revirement politique que cela représenterait, alors que Zapatero s'est employé depuis 2004 à baisser les impôts, l'augmentation de la pression fiscale risque de compromettre les chances de reprise. C'est toute l'équation à résoudre entre équilibre budgétaire et relance.