Le marché international des devises a abaissé, pour une deuxième journée consécutive, la valeur du dollar canadien, semblant répondre positivement aux avertissements de la Banque du Canada (BdC). Mardi, le sous-gouverneur de l'institution responsable de la politique monétaire, Timothy Lane, avait indiqué des craintes que la "vigueur persistante du dollar canadien réduirait la croissance réelle et retarderait le retour de l'inflation à la cible visée" et qu'il "faudrait en tenir compte". Il avait aussi évoqué de nouveau la "flexibilité considérable" que la BdC conserve grâce à des instruments de politique monétaire non traditionnels, même si son taux d'intérêt directeur est maintenu à son niveau plancher depuis plusieurs mois et devrait y rester au cours des trois prochains trimestres. Les analystes ont attribué en grande partie à ces propos la baisse du huard de trois quarts de cent américain mardi et la poursuite de ce mouvement baissier mercredi pour un autre centième de billet vert. La devise canadienne a terminé la journée à 91,01¢US mercredi, mais elle est même passée sous la barre des 91¢US en cours de séance, indique François Barrière, responsable du marché des devises à la Banque Laurentienne. Le repli du prix du pétrole brut pendant la même période ne serait cependant pas étranger à cet affaiblissement, précise Hendrix Vachon, économiste au Mouvement Desjardins. Le renforcement du huard exerce principalement deux pressions sur l'économie canadienne, explique M. Vachon. D'abord, sa force ralentit la croissance de l'activité chez les entreprises exportatrices, qui éprouvent plus de difficulté à écouler leur production sur les marchés étrangers. Puis, elle diminue le prix des produits importés et limite la hausse des prix à la consommation. Donc, l'inflation risque de demeurer plus faible plus longtemps. D'où l'obligation pour la BdC de revoir éventuellement son scénario de croissance de l'économie canadienne. Habituellement, la banque centrale est très discrète sur sa perception de l'évolution de la devise nationale. Force est de constater selon Hendrix Vachon qu'elle se montre depuis peu plus préoccupée devant la vigueur récente du dollar canadien. Pourtant, dit François Barrière, si le huard reste plus fort qu'il y a trois mois, il vole moins haut qu'à l'été 2008. Celui-ci s'étonne par ailleurs d'entendre la Banque centrale dire en même temps, d'une part, qu'elle n'aime pas que sa monnaie soit trop forte et, d'autre part, qu'elle considère le Canada en position de sortir de la récession plus rapidement que les autres pays. "Si on croit cela, on achète des dollars canadiens. Donc, il semble que l'autorité monétaire cherche à ménager la chèvre et le chou", dit M. Barrière. D'ailleurs, rappelle le cambiste, quand le ministre fédéral des Finances Jim Flaherty a parlé de ralentir la montée du dollar canadien, il y a deux semaines, il n'a surtout pas indiqué les moyens que le gouvernement pourrait utiliser. Si, dit-il, la BdC recourt à des instruments non traditionnels comme "l'assouplissement quantitatif", elle abaissera la courbe des taux d'intérêt de long terme. Mais pas nécessairement l'appétit des investisseurs pour le dollar canadien quand une embellie du prix des ressources naturelles le pousse à la hausse. Toutefois, la stratégie "verbale" de la BdC n'est peut-être pas mauvaise, reconnaît M. Barrière, puisque le huard a rapidement reculé de plus de 1,75 ¢US depuis le discours de M. Lane. Chez Desjardins, les prévisions sur la croissance de l'économie canadienne sont un peu moins optimistes que celles de la Banque centrale. Mais elles tiennent aussi compte d'une devise canadienne forte, explique M. Vachon, à cause de la demande croissante pour les ressources naturelles. Dans ce contexte, les économistes de Desjardins estiment, dans la dernière mise à jour de leurs prévisions, publiée mardi, que le dollar canadien pourrait revenir à la parité avec la devise américaine dans la seconde moitié de 2010, c'est-à-dire d'ici à peine un an.