Fiedrich Nietzsche ne fait pas partie des auteurs de chevet de Silvio Berlusconi. Pourtant, c'est vers lui que ce dernier s'est tourné pour commenter, lundi 5 octobre, les motivations du jugement rendu par le tribunal de Milan condamnant la Fininvest, holding du président du conseil, à verser 749 995 millions d'euros de dédommagement à la CIR, le groupe de Carlo De Benedetti, éditeur des journaux d'opposition l'Espresso et La Repubblica. "C'est une décision par-delà le bien et le mal, une énormité juridique", a réagi M. Berlusconi dans un communiqué. Dans les 140 pages d'attendus, le juge Raimondo Mesiano a expliqué que le chef du gouvernement était "coresponsable dans l'affaire de corruption" qui a entaché, dans les années 1990, la reprise du groupe éditorial Mondadori, ardemment disputée entre M. De Benedetti et M. Berlusconi, qui a fini par l'emporter. Une affaire dans laquelle l'avocat de M. Berlusconi, l'ancien ministre de la défense Cesare Previti, et un juge ont déjà été condamnés. On connaît mieux aujourd'hui les dessous de cette victoire. Lundi, le juge Mesiano a désigné le donneur d'ordre du virement de 3 millions de dollars versés par la Fininvest pour acheter des verdicts favorables : M. Berlusconi en personne. "Il n'est absolument pas pensable, a écrit le juge, qu'un virement ait pu être décidé ou effectué sans que le représentant légal le sache et l'accepte." "Un complot subversif !", a immédiatement réagi la garde rapprochée du président du conseil. Selon ses proches, ce jugement est à mettre en relation avec les révélations scabreuses de la presse sur sa vie privée et la réunion, mardi 6 octobre, de la Cour constitutionnelle qui doit rendre sa décision sur la loi Alfano, adoptée dans la foulée des élections d'avril2008, et qui garantit l'immunité pénale pour les quatre plus hautes charges de l'Etat. Selon la presse italienne, les 15 juges - dont deux ont dîné avant l'été à la table de M. Berlusconi - sont partagés. L'avocat du gouvernement à la Cour a fait valoir qu'une invalidation de la loi causerait "un dommage irréparable" au chef du gouvernement. Ce dernier verrait en effet revenir vers lui les "affaires" dont il pensait avoir écarté le spectre grâce à l'armure juridique de la Loi Alfano - au point peut-être de l'empêcher de conduire son action. Parmi elles, on trouve encore "l'affaire Mills", du nom d'un avocat anglais condamné en 2008 à quatre ans et six mois de prison pour faux témoignage. Pour ses services, M. Mills a reçu 600 000 dollars. Là encore, les juges, dans leurs motivations, avaient désigné M. Berlusconi comme le "corrupteur". Une autre affaire portant sur une surfacturation d'achat d'émissions de télévision est actuellement en cours d'instruction. Face à cette hécatombe de mauvaises nouvelles, M. Berlusconi a pris les devants des appels à la démission. "Tous les opposants doivent savoir que le gouvernement ira jusqu'au terme de sa mission quinquennale, et rien ne lui fera abandonner le mandat qui lui a été donné par le peuple", a-t-il souligné, alors qu'une partie de la classe politique organise déjà sa succession et que la presse italienne évoque l'hypothèse d'élections anticipées.