Il Cavaliere, le président du Conseil italien, n'a plus la baraka. Lui à qui tout a réussi, malgré un train de casseroles, est en perte de vitesse chez les classes populaires qui lui avaient tout passé, y compris des frasques féminines. Pour arranger les choses, la Cour constitutionnelle italienne vient de lui rejeter des candidatures à des élections régionales. C'est dire toute la chute d'un homme qui avait toujours rebondi sur ses deux pieds. Rares sont aujourd'hui les observateurs italiens à parier sur son avenir politique. Berlusconi risque même des poursuites judiciaires, pour peu que lui soit ôté son immunité pénale. Revenu au pouvoir au printemps 2008 alors qu'il était menacé par une série de poursuites judiciaires, Berlusconi pouvait compter sur le Parlement italien pour voter une loi lui assurant l'immunité. Ce fut la première loi qu'il fit adopter lorsqu'il a repris les affaires italiennes. C'est sur ce texte controversé que la Cour constitutionnelle est appelée à se prononcer, selon les médias italiens. En cas d'abrogation, quelques affaires gênantes pour le chef du gouvernement pourraient ressurgir, des affaires qui auront un impact sur son opinion, déjà lassée par ses histoires d'alcôves. Le président du Conseil bénéficie d'une immunité pénale qui suspend toutes les procédures à son encontre, en vertu de la loi Alfano, du nom de son ministre de la Justice (Angelino Alfano), l'un des membres de sa garde rapprochée. Pour faire passer ce texte, le juge avait élargi la protection pour la durée de leur mandat aux quatre plus hautes charges de l'Etat italien : le président, le président du Conseil, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat. Des juges et l'opposition de gauche n'ont jamais accrédité cette loi sur mesure. Berlusconi n'a d'ailleurs pas cessé de railler, voire d'attaquer les juges de Milan et de Rome pour lesquels l'immunité viole le principe constitutionnel d'égalité des citoyens. Si la loi Alfano est déclarée caduque, Berlusconi pourrait se retrouver rapidement au banc des accusés pour le procès Mills, dans lequel il est accusé d'avoir versé 600 000 dollars à son ex-avocat fiscaliste britannique David Mills pour des faux témoignages en sa faveur dans des procès dans les années 1990. Une autre procédure concernant la surfacturation de l'achat de droits d'émission télévisée pour le groupe Mediaset, son mégagroupe de presse, serait également automatiquement débloquée. Mais Berlusconi n'a pas que ces histoires troubles. Lui-même a admis être la cible de nombreux procès “fantaisistes” que les magistrats d'extrême gauche ont intentés contre lui à “des fins politiques”. La justice, apparemment, ne fait plus cas ni de ses menaces ni de ses appels contre un complot communiste. Son groupe Fininvest a été condamné la semaine dernière à verser un dédommagement très élevé (750 millions d'euros) à la holding Cir de son grand rival Carlo de Benedetti, pour préjudice patrimonial, alors qu'une décision de justice avait permis en 1991 à Berlusconi de lui ravir la propriété du groupe éditorial Mondadori. Autre affaire qui a défrayé la chronique depuis l'été dernier : ses relations présumées avec une mineure et des prostituées. Au-delà de poursuites contre corruption ou incitation à la corruption, Berlusconi traîne l'image peu reluisante d'homme à femmes. Ses affaires de mœurs lui ont valu la désaffection de l'Eglise et des femmes pourtant en tête de son électorat. Sans compter les journalistes qu'il traite de tous les noms d'oiseaux pour remuer le couteau dans les plaies. Cette fois, il Cavaliere a été ébranlé sérieusement, il a réuni ses enfants et des juristes pour étudier sa riposte. Il a aussi affirmé qu'il irait au terme de son mandat de cinq ans. Pour l'heure, les politologues italiens ont exclu qu'il démissionne compte tenu de la solide majorité de centre-droit dont il dispose au Parlement et de la faiblesse du Parti démocrate, principale formation d'opposition. Mais, contrairement à hier, chez les Italiens qui le soutenaient, la tendance s'érode dans les sondages. Il reste que, sauf retournement spectaculaire, Berlusconi voit le Palais Quirinal lui passer sous le nez. Il se voyait, au terme de son mandat de président du Conseil, emménager dans la résidence présidentielle. Mais on ne sait jamais. C'est déjà la troisième fois qu'il occupe la fonction de chef du gouvernement italien, alors peut-il renaître à nouveau ?