Le projet Sirma œuvre pour une meilleur gestion de l'eau agricole à travers un réseau, des actions de recherche et des échanges à travers le Maghreb en collaboration avec des équipes françaises et européennes. D'autre part, pour initier des procédures d'économie d'eau dans les périmètres irrigués du Maghreb, selon l'équipe du projet Sirma, la réponse se trouve dans la recherche-action, des formations initiales et professionnelles et la mise en réseau des acteurs Maroc, Algérie, Tunisie, et au bout de quatre ans, les résultats seront au rendez-vous. Au Maghreb, l'eau se fait rare ; sur les 30 dernières années, la pluviosité a diminué de 20 à 30% selon les endroits. En outre, dans ces régions, l'agriculture irriguée, qui consomme plus de 70% des volumes et restitue très peu d'eau, est très présente. Qui plus est, l'irrigation s'y fait habituellement par immersion, une technique très consommatrice d'eau. Comment changer les pratiques ? Quelles conditions pour que ce changement réussisse ? C'est sur ces deux questions que les chercheurs impliqués dans le projet Sirma ont planché, en étroite collaboration avec les acteurs locaux, de 2004 à 2009. "Nous avons travaillé avec les agriculteurs afin qu'ils conçoivent eux-mêmes leur organisation". "Il ne s'agit pas d'une révolution, observe Jean-Yves Jamin, de l'unité mixte de recherche Gestion de l'eau, usages et acteurs. Nous avons utilisé des choses connues en théorie mais qui n'étaient pas applicables pour les paysans". Comment le sont-elles alors devenues ? "Nous avons travaillé avec les agriculteurs afin qu'ils conçoivent eux-mêmes l'organisation qui leur permettrait de mieux gérer la ressource eau", poursuit le chercheur. Là se trouve la clé de voûte de tout le projet : plutôt que de calquer des structures d'organisations modèles sur une société, les chercheurs ont observé les structurations déjà fonctionnelles parmi les groupes d'agriculteurs et ont incité ces derniers à prendre modèle sur celles-ci. Dans le Tadla, au Maroc, les chercheurs ont notamment observé que les organisations professionnelles de collecte du lait sont à l'origine de l'amélioration de la productivité laitière. Elargissant leur mandat à l'amélioration des conditions de vie des communautés, elles ont participé à l'identification et au financement de projets sociaux. Rien de tel en revanche n'existait pour la gestion de l'eau. Les scientifiques ont donc analysé, avec les agriculteurs, la structuration actuelle autour du lait et son extension possible à la gestion de l'eau. Les contrats de réglementation des pompages ont constitué un autre axe majeur de travail dans le cadre de ce projet. En effet, les paysans tirent de plus en plus l'eau des nappes souterraines car elle est en pratique librement accessible par chacun. Cependant, comme il n'y a pas de coordination des usages, l'eau est prélevée sans souci de l'état de la ressource. Comment donc coordonner les pompages ? Pour répondre à cette question, chercheurs et paysans ont discuté ensemble de la représentation que se font ces derniers de cette ressource cachée et de son fonctionnement. Des modes de coordination possibles autour de forages communs ou de façon individuelle ont été envisagés. Du côté des Etats, la réglementation, qui prévoit essentiellement des interdits, fait foi. Mais elle n'est pas appliquée. Grâce à des jeux de rôles, leurs représentants ont pris conscience que puiser l'eau illégalement au travers d'un forage constitue, pour certains paysans, la seule solution d'irrigation. Concernant le réseau de compétences en partenariat, Sirma sur l'eau au Maghreb, le fonctionnement des périmètres publics irrigués collectifs, aux performances bien inférieures à celles des exploitations privées, demeure une préoccupation pour les décideurs. Dans les oasis du sud-tunisien, par exemple, les chercheurs ont mis en œuvre une approche multidisciplinaire permettant de révéler à la fois les contraintes techniques, mais aussi la perception des agriculteurs et les contraintes sociales et organisationnelles auxquelles ils sont confrontés. Les résultats ont ouvert la voie à une démarche d'accompagnement vers la résolution des problèmes rencontrés. Ces avancées ont été réalisées au travers de la mise en place de réseaux humains interconnectés -la famille Sirma- qui regroupent des établissements d'enseignement supérieur, des leaders paysans, des institutions de recherche, des bureaux d'études, etc. Le défi est désormais de pérenniser la cohérence scientifique de l'ensemble, en assurant une animation scientifique et technique sur la durée. Dans cette optique, un réseau de compétences en partenariat -le RCP Sirma sur l'eau au Maghreb - vient d'être créé. Il permettra de soutenir de jeunes équipes de recherche dans plusieurs pays et de concrétiser les projets de masters régionaux sur la gestion de l'eau, les stages et les formations professionnelles régionaux. Zineb B.