C'est sur fond de guerre des nerfs que les futurs enjeux du marché gazier se dessinent. Il est donc plus urgent que jamais que les producteurs de gaz réussissent à s'organiser en véritable bloc pour faire face aux manœuvres des consommateurs, notamment européens. A peine a-t-on lancé l'idée de la création d'une organisation regroupant les producteurs de gaz analogue à l'Opep, qu'en Europe on essaie déjà de creuser les divisions en faisant allusion à une renégociation des contrats d'achat de gaz. Le dernier rapport de l'Agence internationale de l'Energie qui représente les intérêts des pays consommateurs de l'OCDE en dit long sur la question. En effet, l'AIE considère que le marché mondial du gaz est sous la menace d'un excédent massif de production, en raison de l'essor spectaculaire de la production américaine en 2008 et d'une chute de la demande liée à la récession, ce qui pourrait inciter les pays européens à renégocier en baisse leurs contrats. "L'essor inattendu de la production de gaz non conventionnel aux Etats-Unis, combiné à la baisse de la demande liée à la récession actuelle, devraient contribuer à la formation d'un gigantesque excédent de production de gaz dans les prochaines années", prévient ainsi l'AIE dans ses perspectives à long terme publiées mardi. En 2008, la production de gaz a bondi aux Etats-Unis, depuis qu'ils se sont lancés dans l'exploitation de gaz de roche rendue possible par de nouvelles technologies. "L'excédent de production pourrait atteindre 200 milliards de mètres cubes (mmc) d'ici 2015", précise Fatih Birol, le directeur de études de l'AIE, qui présentait ce rapport à Londres. Cette "révolution silencieuse" a des "implications majeures pour le marché mondial du gaz", notamment d'ouvrir "de nombreuses options" pour les acheteurs européens de gaz, a-t-il développé. "De nombreux pays pourraient étudier de près la possibilité d'acheter du gaz naturel liquéfié (GNL), notamment en Europe", où "deux tiers des achats de gaz se font sur la base de contrats à long terme", a-t-il précisé. L'Europe pourrait également chercher à diversifier ses approvisionnements de gaz, en se tournant vers la mer Caspienne et le Moyen-Orient, notamment grâce au projet de gazoduc Nabucco. Selon l'AIE "les disparités entre les différents marchés - nord-américain, européen et asiatique - pourraient aussi fournir aux Européens un moyen de pression sur leurs fournisseurs traditionnels (Russie, Norvège et Algérie), pour qu'ils consentent à revoir à la baisse leurs prix à long terme, indexés sur l'évolution des cours du pétrole". Mais pourquoi la question du gaz prend autant d'ampleur aujourd'hui ? personne n'est sans savoir que les gisements pétroliers traditionnels sont finissants. Il faut donc chercher une alternative. Les coûts de production des énergies renouvelables étant toujours aussi élevés, le gaz reste la meilleure alternative pour le moment d'autant plus que depuis 1980, les réserves de gaz ont plus que doublé et elles se sont considérablement étoffées au cours de l'année 2008, notamment au Moyen-Orient et aux Etats-Unis. L'AIE évalue à 180 milliers de milliards de mètres cubes (ou trilliards de mètres cubes, tmc) les réserves prouvées mondiales, soit l'équivalent de 60 années de consommation actuelle. Conscients de cet enjeu les pays producteurs veulent peser de tout leur poids dans les négociations devant définir les enjeux futurs du marché gazier. Ainsi, le ministre de l'Energie et des Mines, M. Chakib Khelil a indiqué récemment que le Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) devrait fonctionner "comme une organisation économique" sur le modèle de l'Opep. "En plus de la Russie et du Qatar, le gouvernement algérien a déclaré qu'il soutiendrait l'idée de la création d'une Opep du gaz". Samira G.