Les déboires financiers de Dubaï risquent d'éclipser les efforts en vue d'une meilleure intégration économique régionale lors du sommet du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui se réunit à compter d'aujourd'hui, à Koweït. Hasard du calendrier, la rencontre annuelle des dirigeants des six pays composant ce bloc économique (Bahrein, Koweit, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Emirats arabes unis) s'ouvre au jour où arrive à échéance une première tranche de 3,52 milliards de dollars de la gigantesque dette de la cité-Etat en difficulté. Les investisseurs retiennent donc leur souffle en attendant de voir si Dubaï réussira à rembourser, et comment, test crucial de sa crédibilité future. La crise vécue par Dubaï a réveillé les inquiétudes quant à l'absence de transparence du système financier des pays du Golfe. Certains analystes craignent en outre la contagion des dettes de Dubaï sur d'autres pays de la région, et notamment sur les six autres émirats de la fédération des Emirats arabes unis (EAU). Le Koweït a cependant dans le même temps appelé à de nouveaux pourparlers sur une éventuelle union monétaire du Golfe, susceptibles de déboucher sur une monnaie unique pour le bloc régional, idée qui est dans l'air depuis des années. Tous les pays du Golfe ont aligné leurs devises sur le dollar excepté le Koweït, qui s'appuie sur un panier de devises. Le projet de monnaie unique a connu son coup dur le plus sérieux en mai, lorsque les Emirats, deuxième économie du monde arabe, a brusquement quitté la table, emboîtant le pas au sultanat d'Oman. Même si la monnaie unique n'est dans les faits pas appelée à voir le jour avant de longues années, le ministre des Finances du Koweït Mustafa al-Shimali les a tout de même exhortés à reconsidérer leur participation à une telle union. "Ceci renforcerait les économies de la région, les constituant en bloc économique qui devrait être pris en compte au niveau mondial", a-t-il jugé vendredi, cité par l'agence de presse koweïtienne KUNA. Egalement au menu de la rencontre du CCG, les discussions sur un système douanier et un réseau électrique communs. Le choc de l'annonce, mercredi 25 novembre, du rééchelonnement de la dette de deux de ses groupes phares - le conglomérat Dubaï World et sa filiale immobilière Nakheel - jusqu'au 30 mai 2010 au moins, a été amplifié par le fait que personne ne s'attendait à un tel cataclysme. Les marchés pensaient que l'œil du cyclone s'était éloigné. La dette de Dubaï World, estimée à 59 milliards de dollars, représente l'essentiel de celle de l'émirat, évaluée entre 80 milliards et 90 milliards de dollars (39 milliards d'euros). Sa filiale Nakheel, promotrice de la construction des célèbres îles artificielles en forme de palmiers, est incapable de rembourser, d'ici au 14 décembre, une obligation islamique d'un montant de 3,5 milliards de dollars. Une émission de 1,2 milliard de dollars de Limitless, une autre filiale de promotion immobilière de Dubaï World, arrive aussi à échéance au printemps. Signe supplémentaire de cette grave crise financière, Dubaï a levé d'urgence 5 milliards de dollars en bons du Trésor, souscrits par deux banques d'Abou Dhabi au titre de son programme de 20milliards de dollars de bons du Trésor annoncé en début d'année. Petits et grands argentiers de la planète sont dans leurs petits souliers. Dubaï World est l'épine dorsale de l'économie de cette petite nation du Golfe, pilier de la fédération des Emirats arabes unis. L'expansion effrénée de ce holding attrape-tout (transports, ports, immobilier, loisirs…), à Dubaï comme à l'étranger, avait été financée par un endettement colossal auprès des investisseurs, en particulier auprès du grand frère, l'émirat voisin d'Abou Dhabi, et des banques internationales.