La majorité présidentielle française veut que la Suisse soit réinscrite sur la "liste grise" des paradis fiscaux de l'OCDE si Berne ne revient pas sur sa décision, annoncée mercredi, de suspendre la ratification d'un accord de coopération fiscale entre les deux pays.L'utilisation par Paris, dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, de données bancaires suisses, a provoqué une "crise" entre les deux capitales, selon les mots du ministre du Budget Eric Woerth. Pour ménager les relations entre Paris et Berne, un amendement qui devait être voté jeudi soir au Sénat sera réécrit et rediscuté vendredi. Le centriste Jean Arthuis et l'UMP Philippe Marini, respectivement président et rapporteur de la commission des Finances de la Haute assemblée, ont présenté l'amendement dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative pour 2009 en cours d'examen. Durant le long débat dont il a fait l'objet jeudi soir en séance publique, Eric Woerth a demandé son retrait. "Ne me compliquez pas la tâche. Nous sommes dans un processus difficile", a-t-il dit. "N'ajoutons pas une crise à la crise." Jean Arthuis a finalement proposé que la commission prépare une nouvelle mouture de l'amendement qui sera présenté en séance vendredi après-midi. "Nous allons rédiger un texte qui ne vous mette pas en difficulté", a-t-il dit à Eric Woerth. Philippe Marini a clairement présenté cet amendement comme une mesure de représailles si la Suisse ne ratifie pas l'accord. "Si tel est le cas, nous allons être fondés à ajouter la Suisse à la liste des Etats non coopératifs, c'est-à-dire des Etats auxquels toute la rigueur des mesures de la loi de finances rectificative va devoir s'appliquer", a-t-il dit. L'accord franco-suisse signé en juin, dont Berne a décidé de suspendre la ratification parlementaire, était censé permettre à la France d'obtenir des informations sur les comptes bancaires détenus par des contribuables français en Suisse. Selon Le Figaro, la procureur fédérale helvète a sommé la France de rendre à la Suisse avant le 25 décembre la liste de comptes qui est l'objet du litige. L'existence du courrier, dans lequel elle exigerait "la restitution des pièces issues de l'exécution de l'entraide judiciaire" entre la France et la Suisse, n'a été confirmée par aucune des deux capitales. La Suisse, qui vient d'être retirée de la "liste grise" de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), fait référence à un listing de plusieurs milliers de noms de contribuables français détenant des comptes dans la confédération, saisie par la justice française sur l'ordinateur d'un ancien employé de la banque HSBC. Cet informaticien franco-italien de la HSBC Genève, qui vit désormais en France, collabore pleinement avec la justice française et revendique son geste au nom de la lutte contre la fraude fiscale. Eric Woerth a utilisé sa liste pour inciter quelque 3.000 Français à régulariser leur situation fiscale, menaçant de transmettre leur nom à la justice le 31 décembre s'ils ne payaient pas un redressement. Environ 1.400 d'entre eux auraient déjà accepté. La Suisse a elle-même provoqué la découverte des données en s'adressant au procureur de Nice, Eric de Montgolfier, pour demander son aide dans les poursuites contre cet informaticien. La police a découvert la liste de 130.000 comptes de clients du monde entier, dont 3.000 français, sur son ordinateur. Le procureur de Nice l'a ensuite transmise au fisc et ouvert une enquête pénale pour blanchiment. L'accord de levée du secret bancaire entre Paris et Berne, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2010 après ratification par les deux parlements, avait été salué par la France comme un succès dans la lutte contre la fraude fiscale.