C'est un véritable pavé dans la mare que viennent de jeter les services des Douanes algériennes. Des responsables de cet organisme de contrôle ont révélé l'existence de plusieurs cas de majoration de valeur des produits finis importés des pays de la Zone arabe de libre-échange (ZALE). Les fraudeurs ont effectué, grâce à ces pratiques, de gros transferts illicites de devises, ont-ils indiqué à l'agence officielle APS. L'impact de cette situation n'est pas des moindres. L'Etat accuse des pertes financières. Ces cas de fraude, souligne-t-on, affectent directement les réserves de changes officielles. Les Douanes ont décidé d'intensifier la lutte contre cette infraction à la législation des changes après avoir constaté des « dérives enregistrées notamment dans le cadre de la Zale où des importateurs majorent la valeur des produits importés auprès de certains pays arabes », a indiqué le directeur central du renseignement auprès de la direction générale des douanes (DGD), Medjebar Bouanem. Des factures d'importation sont gonflées avec la complicité du fournisseur, pour pouvoir transférer à l'étranger le différentiel entre le prix déclaré et le prix réel en devises de la marchandise importée. L'adhésion de l'Algérie à la Zale, en janvier 2009, a donné lieu à une hausse des cas de majoration de valeur et une nette diminution des déclarations de minoration de valeur. Flairant un marché juteux, les opérateurs fraudeurs qui importaient auparavant de Chine en pratiquant la minoration de valeur ont changé leur zone de prédilection pour s'approvisionner à partir de certains pays arabes afin de profiter des exemptions de taxes pour transférer illicitement des devises vers l'étranger, a rapporté le directeur central de contrôle a posteriori à la DGD, Benamar Regue. L'origine des produits pose également problème puisque les services des Douanes estiment que certains articles présentés comme étant arabes sont en réalité chinois. Ainsi, le trafic du certificat d'origine va de pair avec le transfert illicite des devises, explique M. Regue. Pour étayer ses dires, il cite l'exemple d'une entreprise algérienne activant dans l'importation de produits agroalimentaires qui déclarait la boîte de sardines en conserve de 110 grammes à 0,06 euro (5,58 DA) avant l'entrée en vigueur de la Zale et à 0,295 euro (27,43 DA) après la mise en œuvre par l'Algérie de cet accord, soit une différence de près de 22 DA/boîte. L'ampleur de ce trafic est tel que les services des Douanes recommandent une évaluation de la convention de la Zale après une année d'application. Ces responsables ont déploré le laxisme de certains pays, qui ne répondent pas ou retardent leurs réponses aux demandes algériennes pour approfondir des enquêtes ouvertes se basant sur des présomptions qui exigent, pour être vérifiées, une assistance mutuelle internationale. Ils ont révélé, par ailleurs, qu'entre 2006 et 2007 les services des Douanes ont mis la main sur des affaires de transfert de devises totalisant un montant de 15 milliards de dinars (près de 210 millions de dollars). L'importation massive de biens d'équipements (34% du volume global en 2008) a été également entachée de cas de majoration de valeur. Les contrôles a posteriori effectués par les services douaniers de lutte contre la fraude ont révélé des pratiques de majoration sur beaucoup d'équipements importés par des sociétés étrangères ou des sociétés de droit algérien, a indiqué M. Bouanem. D'autres infractions ont été signalées chez de faux investisseurs qui bénéficient des avantages fiscaux dans le cadre des dispositions de l'Agence de développement des investissements (ANDI). Ces derniers majorent la valeur des équipements qu'ils importent. « Ces faux investisseurs ne sont intéressés que par le transfert illicite de devises, la fuite des capitaux ou le blanchiment d'argent, une caste qui doit être brisée », a averti M. Regue.