Après avoir ouvert son marché sans restriction aux produits arabes dans le cadre de la grande zone de libre-échange (Zale) à laquelle elle a adhéré en début d'année 2009, l'Algérie a décidé de mettre des verrous -afin de mieux trier les marchandises qui entrent dans son sol- après avoir constaté plusieurs cas de fraudes. Ainsi, un responsable des services des Douanes algériennes a annoncé qu'un dispositif allait être mis en place en 2010. Le but étant de lutter contre la majoration de valeur des produits finis importés auprès des pays de la Zale. Ces pratiques seraient à l'origine de gros transferts illicites de devises. ''Des dérives ont été enregistrées -notamment dans le cadre de la Zale- où des importateurs majorent la valeur des produits importés auprès de certains pays arabes'', a ainsi révélé, à l'agence APS, le Directeur central du renseignement auprès de la Direction générale des Douanes (DGD), M. Medjebar Bouanem. Certains importateurs véreux gonflent la facture d'importation des marchandises, souvent avec la complicité du fournisseur, pour pouvoir transférer à l'étranger le différentiel entre le prix déclaré et le prix réel en devises de la marchandise importée. Les exemptions de taxes, le démantèlement tarifaire ou les zones de libre-échange ouvrent la voie à toutes sortes de fraudes. La plus importante étant la majoration des valeurs des produits. Les fraudeurs auront une plus-value qu'ils encaissent tout en contournant les lois relatives au change. Cet agissement cause des pertes aux Douanes algériennes. Depuis l'entrée en vigueur de la Zale, les services des Douanes ont constaté une hausse des cas de majoration de valeur et une nette diminution des déclarations de minoration de valeur. Selon les responsables de cet organisme de contrôle, ces cas de fraudes représentent une véritable menace pour les réserves de change officielles. Les barons qui s'adonnent à ces pratiques frauduleuses ont une longue expérience en la matière. Ces soi-disant opérateurs importaient auparavant de Chine en pratiquant la minoration de valeur, mais se sont détournés de ce pays depuis l'adhésion de l'Algérie à la Zale, pour s'approvisionner à partir de certains pays arabes afin de profiter des exemptions des taxes. Ils agissent ainsi pour transférer illicitement des devises vers l'étranger, selon le directeur central de contrôle à posteriori à la DGD, M. Benamar Regue.
Faux investisseurs et transfert de devises
Les services des Douanes algériennes ont des doutes. Y compris sur l'origine des produits importés qu'ils soupçonnent d'être d'origine chinoise, constituant une double infraction: trafic du certificat d'origine couplé à un transfert illicite des devises, a expliqué M. Regue. Ces cas de transfert illicite de capitaux sont confirmés sur la base d'un constat réel. Dans le cadre de la lutte contre cette fraude, des procédures contentieuses assez conséquentes ont été menées par les services des Douanes. Il en est ainsi d'une entreprise algérienne activant dans l'importation des produits agroalimentaires. Elle déclarait la boîte de sardines en conserve de 110 grammes à 0,06 euros (5,58 DA) avant l'entrée en vigueur de la Zale et à 0,295 euros (27,43 DA) après la mise en œuvre par l'Algérie de cet accord, soit une différence de près de 22 DA/boîte. Ces responsables mettent en garde contre l'impact de ce genre de pratiques sur l'économie algérienne et recommandent une évaluation de la convention de la Zale après une année depuis son entrée en vigueur -à l'instar de ce qui se fait actuellement- avec l'accord d'association avec l'Union Européenne. Souvent, les enquêtes des Douanes algériennes buttent sur l'absence de coopération de certains pays d'où sont originaires les fournisseurs. Ces derniers ne répondent pas, parfois ils retardent leurs réponses aux demandes algériennes. Entre 2006 et 2007, soit bien avant la Zale, les services des Douanes ont mis la main sur des affaires de transfert de devises d'un coût de 15 milliards de dinars (près de 210 millions de dollars), a souligné M. Regue. Les cas de la majoration de valeur sont également légion dans les opérations d'importation des biens. L'Algérie a importé pour plus de 13 milliards de dollars de ces produits en 2008, soit 34% du montant global. Par ailleurs, les Douanes algériennes ont réussi à débusquer de faux investisseurs qui ont bénéficié des avantages fiscaux dans le cadre de l'Agence de développement des investissements (ANDI). Ils ont procédé à la majoration de la valeur des équipements qu'ils importaient. «Ces faux investisseurs ne sont intéressés que par le transfert illicite des devises, la fuite des capitaux ou le blanchiment d'argent. C'est une caste qui doit être brisée», met en garde le directeur central de contrôle à posteriori de la DGD. Les révélations de ces responsables confirment les appréhensions des patrons algériens qui craignaient de devoir faire face à une concurrence déloyale.