Au pied des montagnes bavaroises, le monastère de Wildbad Kreuth est l'endroit idéal pour se ressourcer. Les députés de l'Union chrétienne-sociale (CSU), petite soeur bavaroise de la CDU, le parti de la chancelière Angela Merkel, qui s'y réunissent trois jours depuis le mercredi 6 janvier, en ont bien besoin. Leur parti, qui gouverne cette riche région du sud de l'Allemagne depuis plus de cinquante ans et participe à la nouvelle coalition fédérale de centre droit, accumule les difficultés. Déjà affaiblie par plusieurs revers électoraux, la CSU est actuellement ébranlée par un scandale qui touche la banque régionale Bayern LB. En début de semaine, la presse allemande a révélé que la justice avait ouvert une enquête sur des délits d'initiés au moment de l'acquisition de la Hypo Group Alpe Adria (HGAA) par cette banque, en 2007, pour un montant de 3,7 milliards d'euros. Mi-décembre 2009, la Bayern LB avait été forcée de céder la HGAA, au bord de la faillite, pour 1 euro symbolique à l'Etat autrichien. Un coup dur pour la CSU, qui avait fait de la gestion économique son image de marque. "Un échec", avait concédé le ministre-président de Bavière, Horst Seehofer (CSU). En effet, le contrat de vente de HGAA avait été également validé par des représentants de la CSU, en leur qualité de membres du conseil d'administration de la Bayern LB. Certes, cette affaire est un héritage de la vieille garde de la CSU, notamment de l'ancien ministre-président Edmund Stoiber, qui a gouverné la Bavière entre 1993 et 2007. Mais elle aggrave un peu plus l'état de crise du parti. "Ce scandale n'est pas sans laisser de marques", commente sobrement Thomas Silberhorn, député CSU. Pendant des décennies, "la CSU et la Bavière ne faisaient qu'un", souligne Gero Neugebauer, politologue à l'Université libre de Berlin. Ce parti avait réussi à concilier avec succès modernité et tradition. En même temps, il avait su construire un étroit réseau qui lui permettait d'être continuellement en prise avec l'opinion. La première secousse politique est intervenue en septembre 2008, lors des élections régionales. La CSU a perdu la majorité absolue et a dû former un gouvernement avec les libéraux du FDP. Un an plus tard, en septembre 2009, elle obtenait son plus mauvais résultat lors d'élections législatives, avec 42,5 % des voix. L'arrivée de M. Seehofer à la tête de la Bavière et de la CSU, en octobre 2008, promettait un nouveau départ. Très apprécié de la base, représentant de l'aile sociale du parti, cet ancien ministre de l'agriculture, dont l'adultère en 2007 avait fait les gros titres de la presse, concentrait tous les espoirs. Mais, jusqu'à présent, il a surtout brillé à Berlin en défendant avec hargne les intérêts bavarois. Dans le contrat de coalition, programme de gouvernement des unions chrétiennes CDU-CSU et des libéraux, il a imposé une baisse de la TVA pour les hôteliers et une augmentation des aides pour les producteurs de lait. Les "mesures prises restent superficielles, il manque une réelle volonté pour examiner le passé sous un oeil critique", juge M. Neugebauer. Surtout, il manque de soutiens au sein de son parti. La "fière CSU est devenue un chien battu", souligne le quotidien libéral Süddeutsche Zeitung. Sur un ton moins dramatique, M. Neugebauer considère que "la CSU est en train de devenir un parti comme les autres". Autrement dit, l'époque où elle régnait avec la majorité absolue est révolue. Signe de détresse, ce parti multiplie les exigences malvenues. Ainsi, quelques députés ont récemment réclamé la création d'un poste supplémentaire de vice-chancelier pour la CSU au sein du gouvernement fédéral. Le poste de vice-chancelier est occupé par le ministre des affaires étrangères, le libéral Guido Westerwelle (FDP). Cette demande, officiellement non soutenue par la direction de la CSU, a été accueillie par des quolibets au sein de la CDU et du FDP. Le parti attend désormais son salut de Karl-Theodor zu Guttenberg (CSU). Le ministre de la défense, presque un inconnu sur la scène politique lors de son entrée au gouvernement en février 2009, est devenu en quelques mois une figure de premier plan. Néanmoins, les révélations entourant l'affaire de la bavure de Kunduz (Afghanistan), ce bombardement de l'OTAN ordonné par un colonel allemand le 4 septembre 2009, lui valent à son tour des difficultés politiques. L'année 2010 ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices pour la CSU.