L'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) va réunir des experts pour étudier les impacts de l'élevage sur les écosystèmes et les changements climatiques, a annoncé récemment son directeur général Bernard Vallat. Avec l'augmentation de la consommation de viande, de lait et d'oeufs dans les pays émergents, la demande mondiale en protéines va croître de 50% d'ici 2020. "On va devoir produire plus d'animaux pour nourrir la planète quoi qu'il arrive", a déclaré M. Vallat Tandis que l'élevage est souvent montré du doigt comme responsable de la destruction des puits de carbone par le biais de la déforestation, M. Vallat a relevé que "l'herbe aussi est un puits de carbone" et que les impacts de l'élevage sur les écosystèmes étaient complexes. Selon lui, des solutions ont été trouvées en laboratoire pour réduire de moitié les émissions de méthane des ruminants. Ces procédés attendent désormais d'être mis en œuvre à l'échelle industrielle. Le méthane est un gaz qui réchauffe l'atmosphère bien plus que le CO2, même s'il s'y maintient moins longtemps. M. Vallat a souligné que son organisation était soumise à "une forte demande des Etats membres" pour étudier l'impact des animaux sur le réchauffement mais qu'il n'entendait en aucun cas se substituer au Giec (Groupe international d'experts sur le climat de l'ONU). Chargée de la santé animale, l'OIE étudie en revanche depuis déjà longtemps l'impact du réchauffement sur la progression de certaines épidémies animales. Les experts chargés d'étudier l'impact de l'élevage sur le climat se réuniront une première fois en mars et leurs travaux seront publiés au plus tôt cet été. L'élevage extensif est pointé du doigt, Il est responsable de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre, davantage que les transports, selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Il est, de plus, responsable d'autres dégradations : pollution des eaux, érosion des sols, perte de biodiversité... La production de viande capte en outre des ressources considérables en terres et en eau. Elle mobilise 70 % des terres arables. Environ 9 % des quantités d'eau douce consommées chaque année y sont consacrées. Dans toutes leurs projections, les experts désignent l'augmentation de la demande de viande comme un des principaux facteurs des pénuries à venir. Or la consommation de produits carnés connaît une croissance fulgurante. Relativement stable dans les pays développés (autour de 80 kg par an et par habitant), elle augmente fortement dans les pays en développement, à mesure que la population croît, mais aussi que l'urbanisation et les revenus progressent. A la FAO, sans recommander la diminution de la consommation de viande dans les pays du Nord, les experts prônent "une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre visant l'élevage de manière spécifique", affirme l'économiste Pierre Gerber, parlant au nom de l'organisation. "Les modes de production vont devoir changer, sans quoi la croissance de la production se fera au prix d'atteintes très importantes à l'environnement", poursuit-il. Des recherches sont en cours pour réduire la production de méthane par les ruminants. Des scientifiques sont parvenus à faire baisser leurs émissions d'un tiers en intégrant dans les rations de l'huile de lin. Un chercheur de l'université du Missouri, Monty Kerley, affirme qu'une sélection génétique rigoureuse permettrait de diminuer la ration alimentaire des vaches de 40 %. Des changements de méthodes culturales permettraient aussi de stocker davantage de carbone dans les sols. Reste à savoir si ces techniques seront suffisantes, et si tous les paysans du monde, y compris les plus petits, auront la volonté et les moyens de les mettre en œuvre. L'élevage fait vivre un milliard de personnes pauvres dans le monde.