Une odeur de mort flotte sur Port-au-Prince, la capitale d'Haïti, dévastée par le séisme du 12 janvier. Une odeur de plus en plus insupportable dans les quartiers du centre et du bas de la ville, réduits à des amas de décombres. Les maisons qui ont résisté sont vides, et souvent fissurées. Rares sont les habitants qui se risquent à y passer la nuit, d'autant que les répliques n'ont pas cessé, deux jours après le séisme qui aurait fait au moins, selon un premier bilan de la Croix-Rouge, entre 45 000 et 50 000 victimes et 3 millions de sinistrés, soit un tiers de la population de ce petit pays des Caraïbes, l'un des plus pauvres du monde. Il reste encore de nombreux cadavres abandonnés sur les trottoirs et de nombreux passants errent, le bas du visage masqué par des foulards pour se protéger de la puanteur des corps en putréfaction. Au coin des rues Capois et Cameau, l'immeuble moderne de la banque Unibank est à moitié effondré. A mains nues, un groupe d'une vingtaine de jeunes dégagent de gros blocs de béton à la base de l'édifice. ' Il y a deux personnes en vie ', s'écrie l'un d'eux. A l'aide d'un long tuyau en plastique, les sauveteurs improvisés parviennent à échanger quelques mots avec les survivants qui demandent de l'eau. Au bout de deux heures d'efforts, deux hommes sont dégagés. Le premier, un employé de la banque, âgé de 26 ans, est indemne, l'autre, un agent de sécurité a du mal à se relever. Un peu plus loin, d'autres jeunes chargent des cadavres dans des brouettes pour les emmener à la morgue de l'hôpital général. Le spectacle est insoutenable. Des centaines de corps sont empilés. Beaucoup d'enfants. Quelques policiers et des infirmiers tentent de mettre un peu d'ordre. La colère monte. Jeudi, des habitants ont bloqué certaines rues avec des cadavres afin de protester contre 'le retard' de l'assistance humanitaire. Et la question de l'insécurité reste sensible. Des coups de feu ont été entendus dans la capitale. De son côté, Nicolas Sarkozy a proposé jeudi la tenue d'une conférence internationale pour la reconstruction d'Haïti. Une idée confirmée quelques heures plus tard par l'Elysée, après un entretien téléphonique entre le président de la République et son homologue américain, Barack Obama. Le drame que vit l'ancienne colonie française, passée depuis sous influence américaine, est aussi le théâtre du jeu des Etats. Haïti. Et quand Barack Obama prend la parole deux fois en deux jours et propose une aide d'urgence de 100 millions de dollars, le président français annonce, lui, son intention de se rendre sur place dans les semaines qui viennent. Lors de la même conférence, Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir "proposer au président Obama (…) que les Etats-Unis, le Brésil, le Canada, et d'autres encore, prennent l'initiative de convoquer une grande conférence pour la reconstruction et le développement en Haïti". Géorgie, crise financière ou encore Territoires palestiniens, le président français a fait de la conférence internationale son atout maître en politique étrangère. Ces pays ne sont pas choisis au hasard. Difficile d'abord de faire sans les Etats-Unis, incontournables dans ce genre de situation. Et ce d'autant plus que 45 000 Américains vivent à Haïti. Nombre d'Haïtiens ont par ailleurs choisi l'exil américain: ils sont environ un million à vivre aux Etats-Unis. Les liens entre l'ancienne colonie française et l'Amérique du Nord sont donc relativement forts. Le Canada, ensuite, car 130 000 personnes originaires d'Haïti vivent au Québec. La gouverneure générale du pays [le représentant de la reine Elisabeth II, ndlr], Michaëlle Jean, est elle-même originaire de l'île. Enfin, le Brésil. En tant que puissance régionale, le pays fournit près de 20% des effectifs militaires de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah). Le Brésil occupe par ailleurs une position phare dans la politique étrangère de Nicolas Sarkozy. Le président français s'y est rendu à plusieurs reprises en 2009, n'hésitant pas à associer son homologue Lula à toutes sortes d'initiatives, sur le climat notamment