L'immeuble est vétuste, exhale une indéfinissable odeur de moisi et d'humidité mais il constitue un bon endroit pour acheter et vendre de l'or à l'abri des regards indiscrets, tout près de la rue Ben M'hidi, à Alger, où est implanté le "Crédit Municipal", dernière planche de salut pour ceux qui traversent des moments difficiles et viennent mettre en gage leurs précieux bijoux contre de l'argent liquide. La crise économique ne frappe pas que les banques et les grandes entreprises, par ricochet, elle touche également et surtout les couches moyennes, celles des bas salaires. "Avec un revenu mensuel de moins de 7.000 DA et les prix des fruits et légumes qui flambent, nous arrivons difficilement à boucler nos fins de mois", se lamente une vieille dame rencontrée près de ce que l'on appelait naguère "le Mont de Piété". L'ancien Crédit Municipal de la Rue Ben M'hidi, absorbé par la BDL ( la Banque de développement local), offre aux démunis, à ceux qui traversent une période de crise financière, de baisse de leurs revenus, de gager leurs objets les plus précieux: leurs bijoux contre du liquide. Ces pauvres gens gagent souvent d'authentiques ouvrages d'art en or, parfois datant de plusieurs siècles. Pour autant, le prix offert par la BDL reste le même: 500 DA le gramme. A l'agence BDL de la rue Ben M'hidi, il n'y a pas beaucoup de monde. Dehors, pourtant, l'ambiance est irréelle: tout un monde constitué de jeunes, de rabatteurs, de femmes et de jeunes filles parfois qui tentent d'alpaguer les potentiels clients de la BDL, pour leur racheter leur or au prix de l'or "cassé". Il faut aussi souligner que les artisans bijoutiers paient beaucoup de taxes, notamment les droits de garantie, la taxe sur le bénéfice, sur le chiffre d'affaires. Alors que les bijoutiers qui prélèvent le plus grand bénéfice ne paient que peu de taxes par rapport aux artisans. Selon un certain bijoutier " pour éviter de payer des taxes lourdes, alors que le marché est en crise, beaucoup d'artisans bijoutiers préfèrent ne pas poinçonner leurs ouvrages et les céder à des prix attractifs aux revendeurs qui hantent les ruelles de la Basse Casbah". Sur un autre sujet il y a lieu de souligner que la production aurifère de l'Algérie a atteint plus d'une tonne en 2009, dont 20% sont destinés au marché local et le reste exporté par l'Entreprise nationale de l'or (Enor) qui a réalisé des recettes de 36 millions de dollars. Pour autant, les "delalates" de la rue Ben M'hidi, de la Basse Casbah ou celles du Carrefour des Annassers, près de l'autre ancien "Mont de Piété" d'Alger, continuent de vendre des bijoux, le plus souvent accrochés à leurs doigts, ou bien mis en évidence sur leurs bras qu'elles tendent aux potentiels acquéreurs. Mais, ces sortes de vendeuses professionnelles des rues ne sont que les maillons d'une très longue chaîne d'intermédiaires qui font tourner le marché informel de l'or. Et, à défaut d'avoir une belle vitrine dans les avenues cossues d'Alger, un petit banc, un tabouret, et même une marche d'un magasin au coin d'une sordide ruelle fait l'affaire, et procure chaque jour quelques milliers de DA de bénéfices. Quant à ceux qui s'adressent à l'agence BDL de la rue Ben M'hidi pour gager leurs bijoux, le choix est cruel, quelques centaines de dinars, appelés à fondre comme neige au soleil, contre des bijoux que l'on a soigneusement conservés et aimés de génération en génération. Pour finir, l'or, assurément, a encore de beaux jours en Algérie comme une valeur refuge sûre et pérenne, mais surtout comme une immense source de revenus dont presque la moitié est aspirée par le marché informel.