Anomalies n «Depuis sept ans, nous ressentons l'inclinaison de l'immeuble» ; «lors du séisme, les murs ont explosé» ; « des eaux usées coulent à flots au niveau de la cage d'escalier»… Ceci, en plus d'une boulangerie fermée, source de toutes les maladies. Tel est le quotidien de douze familles locataires au 11, rue Mouzaoui, soit une cinquantaine de personnes, dont une douzaine d'enfants et un bébé, selon le représentant des locataires, Abderrahmane Megdoud, père de quatre enfants et au chômage pour raisons de santé. «Les propriétaires sont à l'étranger», nous dit-il. Vu de l'extérieur, on voit clairement les briques avec lesquelles le mur de la façade principale a été construit et le bord de la balustrade inexistant. «Il s'est décollé avec le temps», signale l'un des locataires. Un autre lui succède pour dire : «On attend quoi ? Qu'un bloc de pierre atterrisse sur la tête de quelqu'un ?» Une fois l'immeuble franchi, un spectacle des plus désolants frappe le regard. C'est celui de la fuite d'eaux usées, impressionnante vu l'intensité des flots qui coulent telle une fontaine pour ronger le mur et les escaliers. Une eau impropre, repoussante par son odeur et sa couleur. Un spectacle qui n'inquiète pourtant pas les locataires. Ces derniers ont noté que «cette importante fuite date de 1996». L'immeuble est conçu en murs porteurs, avec des poutres métalliques visibles au premier étage. L'humidité a rongé les murs, le plancher ainsi que l'escalier en bois, complètement détruit ; certaines marches ont été rafistolées, bricolées par les locataires avec des planches de fortune, de quoi permettre d'accéder aux étages supérieurs, mais pas sans risques. Avant d'aller plus haut, nous avons «visité» les appartements du 1er étage. D'abord celui du boulanger, à qui on a fermé sa boulangerie se trouvant en dessous, par décision de justice. «Il n'a pas pu nettoyer», a précisé son voisin. Pour nous montrer l'ampleur du désastre, le boulanger nous invite à jeter un coup d'œil par la porte qui permettait autrefois d'accéder directement à l'appartement depuis la boulangerie. Il entrouvre à peine la porte qu'une forte odeur, suffocante, se dégage : un mélange d'humidité, de moisissure et de décomposition. On entend un crépitement : des rongeurs y ont élu domicile, cohabitant ainsi avec les locataires de cet immeuble. Ce n'est pas tout. Face à l'appartement de la famille Belaïdi, un autre spectacle tout aussi désolant. Dans ce qu'était l'ancienne loge de la concierge, le plancher est complètement défoncé ; il s'est écroulé sur le magasin du rez-de-chaussée. On ne peut pas dire mieux du plafond, puisque le plancher de l'appartement du dessus n'a pas résisté, au niveau de l'appartement d'un célibataire. Chez son voisin Yahiaoui, ce n'est pas mieux : les murs porteurs sont fissurés, par endroits ils ont explosé. L'humidité a complètement gagné l'appartement au point que la mère a été évacuée voilà quelques semaines aux urgences. Son mari exhibe un certificat médical où il est mentionné qu'elle présente un asthme bronchique. Au 2e étage, la doyenne de l'immeuble se remémore les années fastes d'antan. Elle déplore l'état de la demeure. Elle est révoltée : «C'est une maison de salihine (saints). Lors du dernier séisme, tout le monde pensait qu'elle ne résisterait pas. Grâce à Dieu elle a tenu, mais nous ne sommes pas à l'abri d'un effondrement.» Des locataires ont ajouté : «Le maire est venu en personne à la veille des élections de 2002. Il a refusé de monter, craignant pour sa sécurité.» Chez les Hemmas, dans la chambre du fils, marié, père d'un enfant de 18 mois, notre stupeur atteint son comble lorsque nous découvrons, au-dessus du lit de la petite fille, une plaque de contre-plaqué retenant le reste du plafond qui s'effondrait. Mêmes images aux étages supérieurs…