Passer brutalement d'un modèle maîtrisé à un modèle encore inconnu du point de vue de la pratique comporte des risques inévitables, tel le démantèlement de ce qui reste encore de notre industrie. Transition vers l'économie de marché achevée ? Transition obligatoire et laborieuse car elle est abordée sur le plan pratique dans un contexte où déjà il est exigé de notre économie qu'elle fonctionne comme si elle était capable de court-circuiter toutes les phases d'adaptation. Il est normal que l'on puisse se poser des questions dans le fond sur le modèle économique à suivre, compte tenu qu'il est très apparent que notre capacité d'adaptation à la concurrence internationale n'est pas acquise. Cela ne signifie pas un recul sur les réformes, une tentative à retourner vers l'ancien système qui n'existe plus d'ailleurs ; cela pour dire que ce type de retour est impossible, mais nous sommes dans une phase où il nous faudrait regarder quelque peu en arrière pour réévaluer le chemin parcouru et y déceler les éventuelles failles qui ont altéré les résultats obtenus par rapport à ce qui était attendu. Quand on parle de mise à niveau, il n'y a pas que les entreprises qui devraient en être concernées, car les cadres ou managers également sont concernés par cette mise à niveau, compte tenu qu'il faudrait bien admettre que la pratique de la gestion de l'entreprise en économie de marché est un phénomène nouveau pour l'ensemble de nos cadres. Si on entre dans l'adoption du système libéral, et si on se réfère aux pays qui ont assez avancé dans le libéralisme économique, on constate que fatalement le secteur privé est appelé à être progressivement dominant dans le secteur de la concurrence, ou plutôt dans les secteurs qui ne sont pas de caractère stratégique, c'est-à-dire ceux qui seront ouverts à la concurrence et donc aux privatisations. Il n'est pas dans les normes du libéralisme que l'Etat se laisse aller à gérer directement les entreprises, à les posséder dans un contexte où la libéralisation impose un certain désengagement de l'Etat pour lui voir jouer le rôle de garant. L'inadaptation coûteuse résulte de la difficulté par temps de socialisme à prévoir l'effondrement de ce système et son remplacement par le libéralisme économique . Difficile au moment de la mise en œuvre des réformes de prévoir que les grandes puissances économiques n'allaient pas tenir leurs promesses, celles de venir investir chez nous dans le cas où on procède à des réformes. Nous avions consenti à prendre des mesures douloureuses telles les fermetures d'entreprises, ces licenciements massifs, et même l'UGTA s'est retrouvée à se contredire, passant de la défense du secteur public à l'acceptation de la fermeture et de la privatisation des entreprises pour s'adapter aux exigences du changement de doctrine.