Docteur Abderrahmane Mebtoul professeur d'université en management stratégique expert international Certes, du fait de son sous développement, l'Afrique reste moins affectée par la crise financière mondiale, le système financier africain étant généralement autonome et indépendant de ses relations avec les économies occidentales et ne dispose pas encore d'un système boursier encore performant. Une autre raison pour lesquelles les turbulences économiques mondiales ont eu des effets moins graves en Afrique, est que le contrôle des mouvements de capitaux, ont poussé les banques du continent à favoriser la gestion des dépôts locaux et à faire des investissements relativement peu risqués. Leur exposition aux "subprimes" et autres instruments financiers douteux qui ont provoqué la chute de banques américaines et européennes est donc minimale. Toutefois, des conséquences à plus long terme sont attendues car la situation de l'Afrique est des plus inquiétantes, car même si elle ne subit pas une conséquence directe de la crise financière, l'impact se fait ressentir par d'autres biais. Premier impact, la crise devrait se manifester au niveau de l'aide et l'investissement au développement qui pourrait en souffrir. Deuxième impact à terme sur le système et flux financiers et l'équilibre macro-économique. Troisième impact sur le cours des matières premières exportées. -a- sur le volume des importations et la production agricole - sur le processus inflationniste. Et comme résultant finale, sur le faible taux de croissance et le faible niveau de l'indice de développement humain qui détermine la création d'emplois à valeur ajoutée, tenant compter des structures des taux de productivité, souvent non proportionnel aux dépenses monétaires expliquant la détérioration de l'indice du développement humain( IRH) agrégat beaucoup plus fiable que le produit intérieur brut ou le revenu national agrégat trop global qui voile bon nombre de disparités tant socioprofessionnelles qu'inter régionale. Ce d'autant plus que la situation de l'Afrique souffre de l'importance de la sphère informelle qui limite fortement les politiques socio-économiques car il faut se méfier des réformes de gouvernance, importées et excessivement normatives, comme il faut se garder de céder aux mirages d'une société civile crée artificiellement sur le modèle occidental par désespoir de l'État où souvent nous assistons à deux sociétés civiles celles reconnues officiellement par les Etats et une société civile informelle plus proche des préoccupations des citoyens ( les zaouias par exemple ).. Le réalisme conduit pour sa part à la prise en compte du territoire et de l'économie réelle, largement plongée dans l'informel. 3.-La sphère informelle limite l'efficacité des institutions en Afrique L'importance de la sphère informelle qui a un impact sur le fonctionnement des institutions et on peut émettre l'hypothèse que lorsque l'Etat agit par des mesures administratives autoritaires étant en retard par rapport à la société, cette dernière enfante des règles qui lui permettent de fonctionner. Dans la majorité des pays d'Afrique limitant les politiques socio-économiques nous avons une dualité frappante avec des logiques différentes tant pour la formation du salaire et du rapport salarial, du crédit(car existe une intermédiation financière informelle avec des taux d'usure) et du taux d'intérêt qui renvoient à la nature du régime monétaire dualiste , la formation des prix et des profits dépendent dans une large mesure de la forme de la concurrence sur les différents marchés, la différenciation du taux de change officiel et celui du marché parallèle, de leur rapport avec l'environnement international( la sphère marchande étant souvent mieux insérée au marché mondial que la sphère réelle) et en dernier lieu leur rapport à la fiscalité qui conditionne la nature des dépenses et recettes publiques, en fait par rapport à l'Etat. Il est démontré que le paiement de l'impôt direct est un signe d'une plus grande citoyenneté et la généralisation de l'impôt indirect injuste par définition est la solution de facilité démontrant le manque de maîtrise de la régulation d'ensemble par l'Etat. Et peut-on parler tant de la citoyenneté civile, politique et d'une manière générale de la citoyenneté sociale lorsque la majorité des agents économiques vivant dans la sphère informelle ne payent pas leurs impôts ? Et là on revient à l'élément fondamental la confiance et toujours la confiance, sans laquelle ne peut exister ni un système politique, ni un système économique fiable. Dans certains pays, il y a plus de confiance que dans d'autres. Des interviews de terrain entre 2000/2004 du docteur De Soto, grand spécialiste de la sphère informelle montrent qu'à une question en Suède : " Est-ce que vous faites confiance aux autres Suédois ? La réponse est que 65% des Suédois disent " oui, je fais confiance à un autre Suédois ", Aux Etats Unis presque 54% des Américains disent oui, j'ai confiance aux autres Nord-américains. Quand on arrive au Brésil, c'est seulement 8% qui font confiance aux autres Brésiliens. Quant on arrive au Pérou, c'est 6% et les Argentins, entre 1 et 2%. Qu'en est-il pour les pays d'Afrique où le cash prédomine ( à titre d'exemple selon les statistiques officielles pour 2009 74% des importations évaluées à plus de 39 milliards de dollars se sont faites en cash en Algérie, et certainement identique sinon plus dans certains pays d'Afrique ) alors que la base de l'économie de marché et de l'Etat de droit comme l'a montré le grand économiste Joseph Schumpeter repose sur deux fondamentaux -le respect du contrat et le crédit.. US). Son intégration est fondamentale pour crédibiliser toute action politique. Car, où est la crédibilité d'un Etat et des institutions qui ne contrôlent que 10 à 20% des activités économiques ? En fait, pour une analyse objective et opérationnelle, on ne peut isoler l'analyse de la sphère informelle du mode de régulation mis en place c'est-à-dire des institutions et l'extension de la sphère informelle est proportionnelle au poids de la bureaucratie qui tend à fonctionner non pour l'économie et le citoyen mais pour elle même en tant que pouvoir bureaucratique. Tout cela renvoie aux fondements anthropologiques, car pour le cas de l'Afrique, il y a dans la plupart des cas que les équipements anthropologiques intrinsèques qui modèlent le système politique et ses institutions. 4-Intégration de la sphère informelle et problématique de la bonne gouvernance Comme l'ont montré les travaux des prix Nobel 2009 suite aux travaux d'autres prix Nobel de D. North et A.Sen, pour qui il ne peut y avoir de développement sans démocratie réelle et non formelle, pour renverser la tendance, les institutions à mettre en place doivent comprendre des règles formelles c'est-à-dire des règles codifiées au niveau légal (constitution, lois et décrets) et des règles informelles issues de rapports sociaux et de comportement réguliers et continus et qui n'ont pas fait l'objet jusque là d'une législation (routines et habitudes persistantes, coutumes, traditions, sanctions, tabous, croyances mythes), les enquêtes précises montrant que les institutions formelles et institutions informelles vivant dans le même espace et étant donc interdépendant que de nombreuses règles formelles ne sont qu'une validation ex post de règles informelles issues de la tradition ou de la coutume et réciproquement, une institution formelle peut être prolongée voire modifiée par une institution informelle. Cependant, l'objectif stratégique tout Etat en ce XXIème siècle outre de tenir compte de certains engagements internationaux (exemple les accords signés pour un accord de libre échange avec l'Europe des pays du Maghreb les ont contraint à adapter leurs législations et de prévoir certaines institutions), pour asseoir des institutions efficaces l'uniformisation des espaces économiques et sociaux loin des actes autoritaires(le dialogue social et politique et toujours le dialogue) faute quoi les analyses en termes de gouvernance telle que définies par la banque mondiale ont un sens limité. Je rappelle la définition de la banque mondiale dans sa nouvelle vision : " la gouvernance étant définie comme étant l'ensemble institutions par lesquelles le pouvoir s'exerce dans un pays avec pour objectif le bien de tous. Elle comprend les procédés par lesquels les titulaires du pouvoir sont choisis, contrôlés et remplacés, la capacité du gouvernement à gérer efficacement les ressources et à appliquer des politiques solides et enfin le respect des citoyens et de l'Etat envers les institutions régissant les interactions économiques et sociales intervenants entre eux " distinguant la gouvernance politique comprend de la gouvernance d'entreprise. Cela pose la problématique des liens entre la bonne gouvernance et les institutions car l'opérationnalisation de la bonne gouvernance est assuré par les institutions en distinguant : d'une part, les institutions politiques et juridiques qui contribuent à la construction d'un état de droit aussi d'assurer l'accès de la population à la justice et à la sécurité, d'autre part, les institutions économiques qui assurent le fonctionnement efficace et efficient de l'activité économique et la gestion optimale des ressources économiques et enfin les institutions sociales et communautaires qui assurent l'amélioration de la qualité de la santé et de l'éducation des populations ainsi que leur consultation et leur participation au processus de développement. Fait nouveau depuis la fin du XXème siècle, les institutions internationales et les récents travaux de recherche prennent de plus en plus compte la révolution dans le système des télécommunications et l'intelligence économique en précisant qu'il faille différencier la conception de la société de l'information plus technicienne et celle de la société du savoir adopté qui prend en compte la dimension de transformation sociale, culturelle, économique, politique et institutionnelle, ainsi qu'une perspective de développement plus diversifiée, en rappelant que les nouvelles technologies de l'information et de la communication ont constitué le thème central du 14e sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine (UA) le 30 janvier 2010à Addis-Abeba où a été mis en relief l'intolérable fracture numérique au détriment de l'Afrique. C'est que les mutations que connaît l'économie mondiale ont leur équivalent dans le domaine de l'information et de la communication.