En ouvrant, lundi, au siège de l'OCDE à Paris, la conférence internationale consacrée au nucléaire, Nicolas Sarkozy a immédiatement insisté sur le principe de coopération. Vingt-deux ans après l'accident de Tchernobyl, Nicolas Sarkozy a convié à Paris 65 pays à une conférence visant à faciliter leur accès au nucléaire civil. Le président français y a prononcé un vibrant plaidoyer en faveur du développement de l'atome civil, notamment pour les pays pauvres. Précisément, Nicolas Sarkozy a demandé lundi à Paris que les financements des grandes institutions internationales puissent bénéficier aux nouveaux entrants dans l'atome. "Je ne comprends pas et je n'accepte pas l'ostracisme du nucléaire (…), la situation actuelle revient en fait à condamner les pays à une énergie plus chère et plus polluante", a martelé le locataire de l'Élysée. S'agissant du développement des compétences, Nicolas Sarkozy a annoncé la création en France d'un Institut international de formation. Il abritera "une école internationale du nucléaire" dans le cadre d'un "réseau international de centres d'excellence". Une première implantation a déjà été décidée : ce sera en Jordanie, pays avec lequel la France vient de signer un accord de coopération nucléaire. Il s'est aussi prononcé en faveur des "normes les plus strictes" en matière de sûreté. "La sûreté nucléaire n'est pas un enjeu national, c'est une préoccupation collective (...)" De manière générale, l'intervention de Nicolas Sarkozy doit être lue à la lumière des ambitions de la filière française qui est en contacts avancés avec de nombreux pays - en plus des commandes fermes - pour vendre l'EPR. Une filière toutefois sérieusement malmenée à Abu Dhabi où le consortium tricolore (constitué d'EDF, GDF Suez, Areva et Total) s'est vu damer le pion par la Corée du Sud. "Il est nécessaire de confier la supervision à une autorité de sûreté indépendante", a insisté Nicolas Sarkozy. Lui emboîtant le pas, les responsables de l'industrie nucléaire française ont réaffirmé leur opposition à un nucléaire bon marché, dont la sûreté serait bradée. "La théorie du nucléaire +low cost+ ne tient pas la route. Il n'est pas possible d'imaginer le nucléaire autrement que dans des conditions de sécurité optimales", a ainsi assuré Henri Proglio, PDG d'Electricité de France (EDF). La présidente d'Areva, Anne Lauvergeon, a jugé qu'il fallait construire "ce qu'il y a de plus solide et de plus sûr". "C'est un devoir vis-à-vis des générations futures", a-t-elle affirmé. les patrons du nucléaire hexagonal se font par la même occasion les promoteurs du produit-phare de la France: l'EPR. Ce réacteur nucléaire de 3e génération est en effet présenté par ses concepteurs comme l'un des plus sûrs du monde, censé par exemple résister à un tir de missile ou à la chute d'un avion de ligne. L'inconvénient est que ce niveau de sûreté rend l'EPR très cher et qu'il doit désormais affronter la concurrence de réacteurs moins sûrs et meilleur marché. En décembre, la France a ainsi perdu un contrat de 20 milliards de dollars aux Emirats Arabes Unis, qui ont préféré acheter un réacteur coréen. Dans le but évident de soutenir l'industrie française, Nicolas Sarkozy a demandé lundi à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) d'établir un classement des réacteurs nucléaires "selon le critère de la sûreté". "Aujourd'hui, le marché ne classe que selon le critère du prix", a déploré Sarkozy. En terme de sûreté, la doctrine française n'est cependant pas sans limite. Rares sont en effet les dirigeants hexagonaux qui mentionnent l'importance de la démocratie et de la liberté d'information pour la sûreté des populations dans le secteur nucléaire. La catastrophe de Tchernobyl, en Ukraine, en a pourtant apporté la preuve. "La sûreté nucléaire paraît difficile sans un minimum de démocratie", souligne ainsi André-Claude Lacoste, président de l'Autorité française de sûreté nucléaire. "Je ne peux pas imaginer de sûreté nucléaire dans un pays s'il n'y a pas la possibilité de poser des questions et de critiquer". Mais inclure la démocratie dans les normes de sûreté nucléaire conduirait la France à se priver de marchés juteux, au moment même où elle démarche les pays du Moyen-Orient et construit deux EPR en Chine. Le nucléaire - 16 % de la production électrique aujourd'hui - a le vent en poupe. La perspective de la fin du pétrole se conjugue à la lutte contre les gaz à effet de serre, tandis que les besoins énergétiques vont continuer de croître. Dans ce contexte, la World Nuclear Association estime que plus de 450 nouveaux réacteurs devraient être construits dans le monde d'ici à 2030. Une perspective très alléchante pour les constructeurs américains, japonais, russes, allemands et français bien sûr.