L'Organisation des pays exportateurs de pétrole a mis en garde, hier, contre les risques que fait peser la spéculation sur les prix du pétrole, "fléau" à l'origine d'une grande volatilité néfaste pour l'économie mondiale. Les prix du pétrole, après deux ans de grande volatilité, ont retrouvé actuellement "des niveaux plus stables et plus réalistes" qui "profitent à tous", a expliqué le président en exercice de l'Opep, l'Equatorien Germanico Pinto, lors d'une conférence sur les matières premières organisée par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) à Genève. Toutefois cette stabilité relative pourrait être remise en cause par une "spéculation excessive" qui a déjà "posé de nombreux problèmes" au début de la crise économique, a-t-il poursuivi. Cette spéculation a fait que "le marché a été marqué par des facteurs qui n'ont rien à voir avec l'offre et la demande", a insisté le président en exercice, jugeant nécessaire d'éliminer ce "fléau" grâce à une meilleure régulation. Le ministre d'Etat de l'Energie et de l'Industrie du Qatar, Mohamed Saleh Al-Sada, a également estimé que l'on ne pouvait "passer sous silence", le rôle des spéculateurs dans la volatilité des prix du pétrole en 2008-2009. La spéculation est "un élément particulièrement déstabilisateur" pour les marchés, a-t-il souligné. "Elle crée des élans qui provoquent des mouvements de prix masquant les signaux du marché", a-t-il ajouté. Notons que les prix des contrats à terme sur le brut poursuivaient leur repli hier en Europe, l'humeur des investisseurs sur le marché pétrolier étant assombrie par le fléchissement des marchés d'actions et par l'appréciation du dollar. Les marchés d'actions mondiaux sont plombés par les inquiétudes entourant la dette souveraine des pays européens, et par le resserrement de la politique monétaire en Chine et en Inde. Les valeurs du secteur de la santé ont fortement chuté, en réaction à l'adoption dimanche par la Chambre des représentants américaine du projet de loi de réforme du système d'assurance maladie du président Barack Obama. A New York, le baril est passé sous les 79 dollars, pénalisé par le raffermissement continu de la monnaie américaine sur fond de resserrement monétaire en Inde et de craintes sur les finances européennes. Vers 13H15 GMT, sur le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de "light sweet crude" pour livraison en avril, qui arrive à expiration, s'échangeait à 78,85 dollars, en baisse de 1,83 dollar par rapport à la veille. "La vigueur du dollar met le pétrole sous pression, et cela semble être le facteur clé de la journée", a indiqué Phil Flynn, de PFG Best Research, ajoutant que la devise américaine bénéficiait de plusieurs éléments haussiers. Le relèvement surprise du taux directeur en Inde avait déjà pesé sur les prix vendredi, et "la perspective de voir des hausses de taux supplémentaires dans le monde a un impact négatif sur les contrats de brut", a observé Joseph Hargett, de Schaeffer's Investment Research. L'annonce en provenance d'Inde "envoie le signal que l'inflation en Asie pourrait être trop élevée et que la Chine pourrait suivre bientôt", a abondé M. Flynn. Or les deux géants asiatiques sont des moteurs de la consommation de matières premières. Les velléités de la Chine d'éviter une surchauffe de l'économie avaient déjà pesé sur le marché en début d'année. De plus, "il y a toujours des interrogations pour savoir si le Fonds monétaire international va venir au secours de la Grèce, et si les problèmes de dettes souveraines du pays vont être résolus", a ajouté M. Flynn. Notons que l'agence de notation financière Fitch, a estimé hier que les majors pétrolières européennes pourraient, en cas de rechute des cours du brut, peiner à contrôler leurs coûts d'exploitation et à améliorer leurs marges. "Une baisse prolongée des prix du brut ou des difficultés persistantes dans le secteur du raffinage pourraient retarder la génération de trésorerie dont les entreprises ont besoin pour répondre à leurs objectifs stratégiques, et par conséquent cela pourrait avoir un impact négatif sur les notes" de crédit, écrit l'agence de notation financière dans un rapport publié lundi. Nombre d'analystes ont averti que le pétrole n'était pas à l'abri d'une rechute au deuxième trimestre, en raison de la fin des plans de relance dans les économies développées, et du fléchissement saisonnier de la demande au printemps. "Fitch craint qu'un tableau macroéconomique assombri ne ralentisse le redressement de la demande de pétrole et produits pétroliers en 2010" . Ce risque ne s'est toutefois pas matérialisé pour l'instant. Depuis octobre, les cours du brut évoluent dans une fourchette, confortable pour les producteurs de 70 à 80 dollars. Après leur chute de l'hiver 2008, où ils avaient plongé jusqu'à près de 30 dollars le baril, le marché s'était rapidement redressé.