Le spécialiste du climat Frank Mitloehner a présenté un rapport le 22 mars dernier dans lequel il indique que l'élevage ne serait pas le principal responsable de l'augmentation des gaz à effet de serre, contrairement à ce qu'indiquaient les conclusions du rapport L'ombre de l'élevage sur la planète publié par la FAO en 2006. Dans cette nouvelle étude, le scientifique montre les limites des méthodes et conclusions de l'agence onusienne et propose un indice d'évaluation des émissions de gaz à effet de serre qui ne serait pas " rigide, irréaliste et opaque ". Le 24 mars, soit deux jours après la présentation de cette nouvelle étude, l'un des auteurs du rapport de la FAO a annoncé qu'il acceptait la critique du Frank Mitloehner, mais aussi que l'agence onusienne allait revoir ses méthodes de calcul. Cet expert de la qualité de l'air estime que l'on "peut tout à fait réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais pas en consommant moins de viande ou de lait". Car selon lui, l'idée généralement admise que les vaches et les cochons participent au réchauffement climatique serait scientifiquement erronée. "Produire moins de viande et de lait ne va qu'augmenter la famine dans les pays pauvres", avertit-il. Frank Mitloehner va également à l'encontre d'un rapport de l'ONU publié en 2006 qui estimait que les élevages étaient responsables de 18% des gaz à effets de serre de la planète, soit plus que les gaz émis par les transports. Les pays riches " devraient plutôt se concentrer sur la réduction de la consommation de pétrole et de charbon pour produire de l'électricité, se chauffer et alimenter les véhicules", affirme-t-il, expliquant qu'aux Etats-Unis, les transports génèrent environ 26% des émissions de gaz à effet de serre du pays contre seulement 3% pour l'élevage de bétail destiné à l'alimentation. On pourrait donc manger de la viande sans aucune culpabilité. Sauf peut-être quand on sait que l'étude du chercheur a été financée à hauteur de 26 000 dollars par le " Beef Checkoff Program", qui " finance des recherches et d'autres activités, comme la promotion et l'éducation auprès des consommateurs, par une taxe sur les producteurs de viande américains. " Une étude à bien mâcher avant d'avaler, en quelque sorte. L'élevage ne serait pas responsable de 18% des émissions de gaz à effet de serre, comme mentionné dans le rapport de l'ONU. Ce chiffre, qui a eu des conséquences majeures en termes de politiques publiques, a été sorti de son contexte et ne tient pas compte des diversités régionales, selon le scientifique. En effet, la part des émissions de gaz à effet de serre par secteur (élevage, transport, énergie, etc.) varie d'une région à l'autre. Dans les pays dits développés, à savoir les Etats-Unis et l'Europe, le taux de gaz à effet de serre émis par l'agriculture est bien inférieur à celui des transports ou de l'énergie. En revanche, le scientifique explique que le taux d'émission du secteur agricole dans les pays en développement est beaucoup plus important que celui des autres secteurs compte tenu de la quasi-inexistence de ces derniers. Dans son étude, le spécialiste du climat dénonce également les méthodes de calcul utilisées par l'ONU pour comparer l'impact des différents secteurs sur l'environnement. En ce qui concerne l'élevage, les experts avaient pris en compte les émissions directes et indirectes (liées à la production de viande de la fourche à la fourchette, mais aussi les engrais, le méthane issu de la digestion animale, les véhicules, etc.). En revanche, ils n'avaient pas comptabilisé les émissions indirectes dans le secteur des transports (liées à la fabrication des véhicules, extraction des ressources, etc.). Suite à ces diverses failles d'évaluation, le scientifique propose ainsi un nouveau système d'estimation numérique des émissions, qui établirait une nette distinction entre celles émanant directement du produit (protéine animale dans le cas de l'élevage) et les émissions indirectes.