Le président de la Banque mondiale Robert Zoellick a appelé les dirigeants des plus grandes puissances de la planète à regarder le monde autrement qu'avec le point de vue du G7, pour s'attaquer à d'autres problèmes que ceux des pays les plus riches. "Le danger du déplacement du centre de gravité politique qui fait revenir les pays à la poursuite de leurs intérêts étroits est que nous nous attaquions aux problèmes de ce monde en évolution à travers le prisme du G7", a déclaré M. Zoellick lors d'un discours à Washington, selon le texte de son discours transmis par avance à la presse. Parmi ces problèmes, il a cité "l'eau, les maladies, les migrations, la démographie, et les États fragiles et se relevant de conflits". "Les intérêts des pays développés, même s'ils partent de bonnes intentions, ne peuvent pas constituer la perspective des économies émergentes", a ajouté M. Zoellick. "Les pays en développement ne veulent pas seulement discuter de la dette élevée des pays en développement", a-t-il relevé, à une semaine des assemblées de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, qui réuniront à Washington les 186 États membres de ces institutions. "Ils veulent se concentrer sur des investissements productifs dans le développement de l'infrastructure et de la petite enfance. Ils veulent des marchés ouverts pour créer des emplois, et faire monter la productivité et la croissance", a souligné le dirigeant de la Banque mondiale. M. Zoellick a proclamé lors de ce discours que "si 1989 a vu la fin du 'deuxième monde' avec la chute du communisme, alors 2009 a vu la fin de ce qui était désigné comme le 'Tiers-Monde'", évoquant une planète "où le nord et le sud, l'est et l'ouest, sont désormais des directions sur une boussole, et non des destinées économiques". Il a également déclaré que le concept de "Tiers Monde" n'est plus pertinent. Selon lui, le progrès économique des pays en développement engendre de profondes implications en ce qui concerne la coopération mondiale, le multilatéralisme et le rôle d'institutions comme la Banque mondiale. "Les plaques tectoniques du monde économique et politique bougent" a-t-il expliqué. "Nous pouvons évoluer avec eux, ou bien nous pouvons continuer à voir le nouveau monde sous le prisme de l'ancien". La première augmentation de capital de la Banque mondiale en 20 ans devrait être approuvée lors de ces réunions prévues la semaine prochaine. Si, jusqu'ici, les pays industrialisés ont été les plus gros contributeurs de l'institution, dictant au passage la manière dont l'argent doit être dépensé, les marchés émergents devraient dorénavant avoir plus de poids. "Les actionnaires devront décider s'ils veulent renforcer la banque ou voir son influence diminuer (...) en la laissant se débrouiller avec des ressources moindres" a-t-il ajouté. Avec la crise et le resserrement du crédit, les emprunts accordés aux pays émergents ont atteint un montant record, amenuisant les ressources de la banque. Ainsi, depuis le début de la crise à la mi-2008, la Banque mondiale a dégagée plus de 100 milliards de dollars de prêts et subventions aux pays émergents. Au total, les sorties financières de l'institution bancaire ont dépassé celles débloquées par le FMI en temps de crise. Entre juillet 2008 et mars 2010, les deux institutions ont ainsi déboursé respectivement 67,7 et 56,9 milliards de dollars. Pour se sortir d'une crise affectant l'ensemble du globe, les pays riches et les pays émergents ont certes agi de concert. Mais avec les premiers signes de reprise, Robert Zoellick s'est dit inquiet concernant le maintien de cette coopération alors que la reprise annonce une économie mondiale multipolaire. "Nous percevons déjà des forces de gravitation exercée par des Etats-nation qui sont de nouveau à la pousuite de leurs propres intérêts" a-t-il expliqué. La Chine et l'Inde ne sont pas les seuls états en mouvement. L'Afrique sub-saharienne devrait connaître une croissance supérieure à 6% d'ici 2015, offrant de nouvelles opportunités aux investisseurs. L'Asie du Sud devrait quant à elle enregistrer 7% de croissance sur la même période. Il a reconnu que le partage des responsabilités au sein de ce nouvel ordre international serait alors loin d'être facile, comme l'ont montré les négociations de Doha et de Copenhague dernièrement. R.I.