A peine sorti, le dernier roman, "Les figuiers de barbarie " de Rachid Boudjedra a raflé hier le prix du roman arabe dont c'est la troisième édition. Ce trophée doté d'une somme de 15. 000 euros a été remis à l'Institut du monde arabe à Paris à deux romanciers en l'occurrence Boudjedra et le peintre et romancier marocain Mahi Binebine pour " Les Etoiles de Sidi Moumen " (Flammarion). Tout jeune, le Prix du roman arabe a été fondé en 2008 et est décerné par le Conseil des ambassadeurs arabes en France. Son but est de "récompenser un ouvrage de haute valeur littéraire et consolider le dialogue interculturel entre le monde arabe et la France en mettant en avant la littérature arabe traduite ou écrite directement en français". Le Prix du roman arabe a récompensé en 2008 le romancier libanais Elias Khoury et en 2009 pour " Comme si elle dormait ", traduit par Rania Samara, éd. Actes Sud et l'écrivain égyptien Gamal Ghitany, pour " Les Poussières de l'effacement ", traduit par Khaled Osman, éd. du Seuil. Après " Hôtel Saint Georges " édité en 2007 chez Dar El-Gharb, Rachid Boudjedra opère un come back littéraire avec son tout neuf " Les figuiers de barbarie " édité chez Grasset. Avec " Les figuiers de Barbarie " Rachid Boudjedra ne rompt pas avec le thème de la guerre qui lui est si cher, lui qui a paraphé le scénario de "Chronique des années de Braises", le film de Lakhdar Hamina, palme d'or à Cannes en 1975. Selon le résumé de ce livre, il s'agit de deux hommes qui se retrouvent côte à côte dans le vol Alger-Constantine. A dix mille mètres d'altitude, en un peu moins d'une heure, c'est leur destin - et celui de tout un pays à travers le leur -, qui va se jouer au fil de la conversation et des réminiscences. Ils sont unis par les liens du sang, par l'expérience traumatisante de la guerre d'Algérie, mais aussi par le souvenir d'un été torride de leur adolescence, épisode dont jamais ils n'ont reparlé mais qui symbolise la jeunesse perdue de leur patrie. Rachid, le narrateur, a toujours voué une admiration mêlée d'envie et de ressentiment à son cousin Omar ; celui-ci, devenu un célèbre architecte, parcourt le monde pour mieux fuir ses démons. Ce sont ces fantômes que Rachid va le forcer à exorciser : son grand-père Si Mostafa, propriétaire terrien, l'homme aux 'figuiers de Barbarie', symbole d'une Algérie prospère et paisible ; son père Kamel, commissaire, soupçonné d'avoir collaboré avec les autorités françaises pendant la guerre ; son frère Salim enfin, engagé dans 'l' Organisation', mort dans des circonstances mystérieuses. C'est toute l'histoire de l'Algérie déchirée, depuis la conquête française jusqu'à l'indépendance, de l'enfance dorée et sensuelle aux horreurs de la torture et du terrorisme, qui défile dans les souvenirs du narrateur. A la page 19, l'auteur écrit : "Je n'aime pas les gens heureux. Le bonheur m'a toujours ennuyé. Omar était malheureux, c'est pourquoi je l'aimais. J'avais besoin de son malheur et de cette admiration que je lui vouais secrètement. Mes rapports avec lui étaient quand même étranges. Cela ne me ressemblait pas de profiter du malheur des autres, mais le sien, ce destin dramatique et incohérent, me fascinait car il résumait à lui seul toute l'histoire tragique de mon pays. Il émanait d'Omar, de son histoire familiale, de son refus d'être honnête et lucide face à l'enchevêtrement des événements, une sorte de radiographie sur laquelle on pouvait lire- certes difficilement cette histoire collective, effroyable et douloureuse de l'Algérie" C'est ainsi que l'on apprend à travers l'histoire d'Omar, toutes ces péripéties dramatiques symbolisant celles de l'Algérie et son histoire chargée et déchirante. Blessé au maquis et transféré vers un hôpital de Moscou, Omar s'éveille à lui et reçoit même la visite de sa mère Nadya, via la France, grâce aux services de la DST rendus aux services de renseignements de la Résistance.