Trois Italiens dont un fonctionnaire de la Commission sont détenus. L'affaire a des ramifications en France. La Commission Barroso est éclaboussée depuis jeudi dernier par un scandale financier visant des fonctionnaires européens, soupçonnés d'avoir reçu, pendant dix ans, des pots-de-vin de plusieurs millions d'euros en échange d'attribution de marchés publics. Révélée au lendemain des célébrations du cinquantenaire du Traité de Rome, l'affaire embarrasse l'exécutif européen, qui prêche la " tolérance zéro " à l'égard de la corruption. Trois Italiens ont été mis en examen et écroués jeudi à Bruxelles pour " corruption, faux et usage de faux, escroquerie et association de malfaiteurs " par la juge belge Barnardo-Mendez. Arrêtés à Bruxelles, où ils résident, les trois inculpés sont Giancarlo Ciotti, 46 ans, fonctionnaire de la Commission, ancien chef d'unité chargé des infrastructures immobilières ; Sergio Tricarico, 39 ans, attaché parlementaire du député de centre-gauche Gianni Rivera et Angelo Troiana, 60 ans, promoteur immobilier. Les deux derniers inculpés sont originaires du même village du sud de l'Italie, Potenza, entre les Pouilles et la Calabre, ce qui donne à l'affaire un parfum mafieux. Très organisés, les trois associés ont mis sur pied un système de trucage des marchés publics proposés par la Commission pour ses représentations à l'étranger, notamment en Inde et en Albanie. Grâce à des complicités internes et à un accès privilégié aux informations, ils garantissent à des entreprises "amies" de remporter les appels d'offres de la Commission pour les locations d'immeubles et les contrats de sécurité de ces bâtiments. Les marchés concernés s'élèvent à une dizaine de millions d'euros. Dans cette enquête tentaculaire, où la justice belge s'avoue déjà débordée, l'ensemble des complices n'ont pas encore été identifiés. En France, le gérant d'une entreprise de sécurité de Moselle a été mis en garde à vue ; un entrepreneur du Val-de-Marne, en contact avec les Italiens de Bruxelles, a été interrogé par la brigade financière ; une agence immobilière a été perquisitionnée dans le Finistère. Aucune arrestation n'a eu lieu en France. Des comptes bancaires ont été saisis en Belgique et au Luxembourg et les domiciles des suspects ont été fouillés en Italie. Découverte à l'époque de la Commission Prodi, cette affaire a été dénoncée au parquet de Bruxelles en 2004 par l'intermédiaire de l'Office européen de lutte antifraude, l'Olaf. La justice belge aura attendu trois ans avant de lancer des perquisitions simultanées dans quatre pays européens, mobilisant 150 policiers au total. " C'est là que le bât blesse, regrette-t-on à l'Olaf. Nos enquêtes ne sont absolument pas des priorités pour les justices nationales. Il nous faudrait un parquet européen pour aller plus vite ". Après l'affaire Cresson, qui a contraint la Commission Santer à démissionner en 1999, puis l'affaire " Eurostat " qui a ébranlé la Commission Prodi en 2003, ce scandale rattrape l'équipe de José Manuel Barroso, prise au dépourvu lors des perquisitions à son siège, mardi. Prête à lâcher ses fonctionnaires malhonnêtes, la Commission s'estime victime de cette affaire de corruption, qui a conduit à une hausse abusive de ses loyers et de ses achats de matériels. L'exécutif européen n'exclut pas de se porter partie civile dans le dossier ouvert en Belgique.