Selon les résultats préliminaires publiés vendredi, les élections législatives en Grande-Bretagne ont débouché sur un Parlement sans majorité absolue. Sur les 615 sièges pour lesquels les résultats ont été publiés, 290 reviennent aux conservateurs, 247 aux travaillistes, 51 aux libéraux-démocrates et 27 aux autres formations, a rapporté la chaîne de télévision ITV News. Trente-cinq sièges doivent encore être attribués, ce qui signifie que le Parti conservateur sera quoi qu'il en soit dans l'impossibilité de remporter les 326 sièges nécessaires pour obtenir la majorité absolue. Il sera néanmoins le parti majoritaire aux Communes. David Cameron, chef de file des Tories qui entendent bien sortir de treize ans d'opposition, a affirmé que le Labour de Gordon Brown avait perdu toute légitimité à se maintenir au pouvoir. Mais dans les rangs travaillistes, on souligne que la pratique institutionnelle donne au Premier ministre sortant la priorité pour tenter de former un gouvernement dans le contexte d'un "Parlement bloqué". Car les élections législatives de jeudi, auxquelles plusieurs centaines d'électeurs n'ont pu prendre part du fait d'une trop forte participation, n'auront pas de vainqueur clair. D'après les projections réalisées pour les chaînes de télévision britannique, la Grande-Bretagne va se retrouver dans la configuration particulière d'un "hung parliament", sans précédent depuis 1974. "Le peuple a parlé, mais nous ne savons pas exactement ce qu'il a dit", déclarait dans la soirée Ed Miliband, ministre travailliste de l'Environnement. En pleine crise économique, ce scénario est une source d'inquiétude pour les marchés financiers. La livre sterling a du reste reculé face au dollar. Les projections créditent au final les Tories de 305 sièges, le Parti travailliste en obtiendraient 255 et les libéraux-démocrates 61, soit deux de moins que dans le parlement sortant, ce qui serait une surprise. "Je pense qu'il est d'ores et déjà clair que le Parti travailliste a perdu son mandat pour gouverner notre pays", a lancé Cameron après la proclamation de son élection dans la circonscription de Witney, dans l'ouest de Londres. Nombre d'observateurs parient du reste sur un gouvernement minoritaire dirigé par ce "conservateur compassionnel" qui pourra tenter de négocier l'appui ponctuel des petits partis nationalistes d'Irlande du Nord, d'Ecosse et du Pays de Galles, quitte à organiser plus tard de nouvelles élections. "Cameron va obtenir la mise en oeuvre de son programme, faire la preuve de ses compétences et convoquer de nouvelles élections cet automne ou au printemps", prédit Mark Wickham-Jones, professeur de sciences politiques de l'université de Bristol. Mais le Labour n'a pas l'intention de céder sans résistance. "Les règles sont qu'en cas de 'hung parliament', la priorité ne revient pas au parti ayant le plus de sièges, mais au gouvernement en place", a souligné Peter Mandelson, ministre des Entreprises. De source travailliste, on confirme que Brown tentera de former un gouvernement de coalition avec les Lib Dem. Son porte-parole a toutefois indiqué que le Premier ministre n'avait pas encore pris de décision à ce sujet. Pour Jonathan Tonge, directeur du département de sciences politiques à l'université de Liverpool, il est toutefois "pratiquement inconcevable que Gordon Brown puisse essayer de se maintenir au pouvoir". En outre, si l'on en croit les projections, l'addition des groupes Labour et Lib Dem aux Communes ne formerait pas une majorité absolue. "Le Labour ne peut espérer rester au gouvernement après ce rejet humiliant. Avec 100 sièges perdus, ce serait une insulte faite aux électeurs que de prétendre le contraire", a quant à lui commenté Henry McRory, porte-parole du Parti conservateur. Quel qu'il soit, le prochain locataire du 10 Downing Street héritera d'un déficit public record, supérieur à 11% du Produit intérieur brut, et devra satisfaire, un an après le scandale des notes de frais des députés, aux appels à réformer le système politique et électoral. L'émergence des libéraux démocrates durant la campagne avait compliqué l'équation, leur chef de file Nick Clegg se montrant très à son avantage lors des trois débats télévisés organisés pour la première fois dans l'histoire politique du pays. Clegg pourrait être l'homme clé pour former une majorité, bien que les projections ne soient pas à la hauteur de ses attentes. "Les grands perdants, si ces sondages sont corrects, ce sont les Lib Dem. On a tellement parlé de la Cleggmania. Tout se passe comme s'ils avaient été étouffés par la bataille engagée entre les conservateurs et le Labour", souligne Jonathan Tonge.