L'armée thaïlandaise a ouvert le feu contre les manifestants antigouvernementaux samedi, au troisième jour d'affrontements qui ont transformé le quartier d'affaires de la capitale Bangkok en champ de bataille. Dix-sept personnes ont été tuées et au moins 161 autres blessées depuis l'éclatement de nouveaux troubles jeudi soir consécutifs à la tentative d'assassinat du "conseiller" militaire des manifestants. Les "Chemises rouges", partisans de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra renversé par un coup d'Etat en 2006, continuent de réclamer le départ du Premier ministre Abhisit Vejjajiva et la tenue d'élections anticipées. Samedi, l'armée a annoncé l'envoi de renforts dans la zone d'affrontements. "Je ne peux pas dire pour des raisons de sécurité le nombre de soldats qui y seront déployés mais il y aura des renforts pour aider les soldats sur place à encercler la zone et à accentuer la pression sur les manifestants", a déclaré un porte-parole de l'armée aux journalistes, Sansern Kaewkamnerd. Tapis derrière des sacs de sables ou perchés sur le toit des immeubles, les soldats ont tiré à balles réelles sur les manifestants armés de cocktails molotov et de roquettes artisanales. L'un des protestataires, qui tentait de mettre le feu à des pneus, a été tué d'une balle en plein coeur. Un secouriste aurait été tué par balles alors qu'il tentait de rejoindre un manifestant blessé, et au moins quatre autres ont été blessés, dont un à la tête, ont rapporté des témoins. Trois personnes ont été évacuées sur des brancards au carrefour Din Daeng, situé au nord du campement, a rapporté un correspondant de Reuters. Deux d'entre elles présentaient des blessures à la tête. "Les soldats réalisent peut-être quelques progrès en ce qui concerne l'isolement de la zone mais à le prix à payer est élevé", a déclaré Thitinan Pongsudhirak, professeur de sciences politiques à l'université de Chulalongkorn. "Est-ce que le gouvernement va réussir à disperser la foule et s'engager vers une sortie de crise ? La réponse est non, pas jusqu'à présent, et il y a encore un long chemin à parcourir", a-t-il ajouté. Pendant la nuit, le quartier d'affaires a été le théâtre d'explosions de grenade et d'échanges de coup de feu, l'armée tentant d'établir un périmètre de sécurité autour du camp occupé par les manifestants depuis près de six semaines. " Les affrontements ont éclaté jeudi soir après le tir d'origine inconnue dont a été victime l'ancien général Khattiya Sawasdipol, surnommé le "commandant rouge". Trois journalistes, deux Thaïlandais et un Canadien correspondant à Bangkok de France 24, ont été blessés. Le gouvernement a indiqué vendredi espérer un retour à la normale "dans les prochains jours" dans la capitale de 15 millions d'habitants. Un porte-parole de l'armée a déclaré vendredi qu'environ 500 "terroristes" étaient réfugiés parmi les milliers de manifestants - dont des femmes et des enfants - retranchés dans un camp de trois kilomètres carrés entouré de barricades faites de pneus, de bambous aspergés d'essence et de fils barbelés. Notons que les "chemises rouges" ont déclaré samedi après-midi qu'elles sont prêtes à tenir des négociations avec le gouvernement pour le retrait des troupes et le cessez-le-feu, a rapporté l'agence de presse thaïlandaise. Le principal dirigeant des "chemises rouges", Natthawut Saikua, a déclaré que les négociations avec le gouvernement visent à empêcher davantage de victimes. Cependant, les négociations porteront seulement sur le retrait des troupes et le cessez-le-feu car les négociations sur d'autres questions ont déjà pris fin, a souligné M. Natthawut. Cette annonce a été faite sur fond de tension politique croissante à Bangkok tandis que des coups de feu et des explosions ont parfois été entendus. Le nombre des décès dans la série de conflits entre soldats et manifestants anti gouvernementaux s'est élevé à 16, a confirmé le centre médical d'urgence d'Erawan à Bangkok. Par ailleurs, quelque 141 personnes ont été blessées dont des agents de sécurité et des civils, selon la source.