Souvent hors de prix, le poisson se fait rarement inviter sur la table des Algériens. Même la sardine, qui jadis faisait partie intégrante de l'alimentation de l'Algérien moyen, est aujourd'hui boudée étant donné que les prix atteignent parfois les 300 DA le kilo. La raison invoquée face à cette hausse vertigineuse des prix du poisson est souvent liée au manque d'infrastructures de pêche, des insuffisances constatées dans la flottille et même la baisse de la population halieutique. En effet, la production halieutique conventionnelle et les produits de la mer ne suffisent plus à satisfaire les besoins du marché national, d'où la nécessité d'une "politique hardie" de développement de la pêche continentale. Dans ce sens, le ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, Smaïl Mimoune, a estimé à plusieurs reprises que le développement de l'aquaculture est une "alternative imparable" pour faire face à la demande sans cesse croissante en produits halieutiques et à la rareté de la ressource. Aussi, et selon le rapport Cyclope, l'aquaculture a dépassé la pêche sauvage comme ressource alimentaire pour l'homme. Selon le même rapport, le commerce des produits de la mer a dépassé les 100 milliards de dollars l'an dernier. Depuis vingt ans, les captures de poissons et crustacés restent stables, entre 85 et 90 millions de tonnes par an. 30% des prises étant destinées aux minoteries pour l'alimentation animale, il reste quelque 60 millions de tonnes de produits de la pêche pour l'alimentation humaine. Dans le même temps, l'aquaculture s'est à ce point développée qu'elle vient de dépasser les 65 millions de tonnes, d'après la FAO : désormais l'élevage des poissons, des crustacés et des mollusques nourrit davantage son homme que la pêche sauvage. D'année en année, on adapte de nouvelles espèces à l'élevage dans les eaux douces ou marines : après les crevettes de Thaïlande, le saumon norvégien puis chilien, place au tilapia chinois et au pangasius vietnamien. D'après les expériences encourageantes qui sont menées en Méditerranée et au Japon, les tentatives d'engraisser du thon devraient bientôt aboutir. Une solution pour soulager les réserves halieutiques, alors que la consommation de produits de la mer progresse très rapidement. En dehors de la Chine, qui reste le premier producteur et consommateur mondial avec des besoins par habitant qui ont doublé en quinze ans pour atteindre 25 kg, la demande n'est plus concentrée uniquement sur les trois marchés traditionnels : Europe, Etats-Unis et Japon. Désormais, avec les progrès du niveau de vie et de la distribution des produits, les pays d'Amérique latine et d'Afrique consomment de plus en plus de poisson. Si le Kenya reste cantonné à moins de 4 kg par an et par habitant, le Brésil à 6 kg, le Venezuela en consomme plus de 17, la moyenne mondiale, le Chili 22, le Ghana près de 28 et le Gabon : 40 ! Pour répondre à cette demande croissante, que n'a pas découragé la crise, l'aquaculture est à 90 % asiatique : Chine, Inde, Vietnam, Indonésie, Thaïlande et Bangladesh. Mais l'Amérique latine et l'Afrique sont de plus en plus dynamiques, contrairement à l'Europe dont la production halieutique totale régresse, pour des questions de coût. Les nouvelles puissances halieutiques sont le Chili, l'Egypte, le Brésil - qui vient, c'est un signe, de créer un ministère de la pêche et de l'aquaculture, l'Equateur, le Mexique, le Nigeria, l'Ouganda et Madagascar... Revers de la médaille, les produits aquacoles connaissent désormais les mêmes aléas sanitaires que l'élevage à terre : depuis l'an dernier, l'"anémie infectieuse du saumon" a décimé les élevages chiliens, une catastrophe pour la filière qui va perdre un tiers de ses emplois, mais une aubaine pour le saumon d'élevage norvégien, qui s'est vendu beaucoup plus cher sur des marchés qui n'étaient pas les siens, jusqu'à présent : Etats-Unis, Russie et Japon.