Attaqué, vilipendé, harcelé par les ultranationalistes français avant même qu'il ne soit vu , "Hors la loi " le film de Rachid Bouchareb, a été projeté simultanément ce vendredi à la même heure à Cannes où il est en compétition officielle et à la salle El Mouggar pour la presse nationale censée le juger. C'est une première et c'est une question de " Nif ", car jamais un film www qui passe à Cannes, passe en même temps dans son pays d'origine. Tout compte fait, le film est brillant. Il s'ouvre par une double violence quand un Caid somme une famille de paysans de quitter leur terre ancestrale dans la région de l'est, et quand une manifestation pacifique à Sétif se transforme le 08 mai 45 en une répression sanglante. La scène qui dure à peu près six minutes est si crédible que quelque chose se tord en vous devant autant d'injustice. Mais " Hors la loi " contrairement à ce qui a été dit et écrit, n'est pas un film sur les massacres du 08 mai 45. C'est une fresque historique qui débute en 1925 et qui se termine à l'indépendance. Une fresque qui raconte le début de la Révolution algérienne menée à partir des ghettos de Nanterre par un FLN, prêt à tout pour arracher l'indépendance par la lutte armée. Trois frères Abdelkader (Sami Bouadjilla), Messaoud (Roshdi Zem), Said (Djamel Debbouz), dont les terres ont été spoliées arrivent dans les années 50 dans les bidonvilles de Nanterre avec leur mère, l'excellente Chafia Boudraâ. Mais, auparavant, l'un des frères Said, vengera les siens notamment son père tué lors des massacres de Sétif en assassinant le Caid. La prise de conscience se déclenchera dès le retour de Messaoud de la guerre du Vietnam avec un œil en moins et dès la sortie de son aîné Abdelkader incarcéré au pénitencier de la santé. Refusant de vivre dans une misère et une humiliation absolue, les aînés (Abdelkader et Mesaoud) s'engagent dans les rangs du FLN, en créant les premiers réseaux de la Fédération de France. Said s'occupe d'un cabaret à Pigalle mais donne des cotisations au FLN, récolte des informations. A travers les actions de Abdelkader, Rachid Bouchareb évoque un FLN pur et dur, qui récolte des dons, qui achemine avec stoïcisme des camions bourrés d'armes des pays comme l'Allemagne où un autre réseau du FLN y a été installé, et qui respecte les porteurs (euses) de valises qui ont été d'un grand secours pour les combattants du FLN. " Hors la loi " fait référence à la sinistre police de Papon, à la main rouge, un réseau policier clandestin qui traque et assassine tous les soutiens du FLN, ainsi qu'à la date du 17 octobre 61 quand les algériens étaient jetés à la Seine, sauf qu'ici, Bouchareb se permet dans sa fiction d'installer la répression dans un métro, image de la fin où Abdelkader, se fait tuer par un policier pendant qu'un commissaire gaulliste également chauvin le traque. On ne sort pas indifférent après avoir vu ce film qui sera par ses prises de vue consistantes, ses propos réalistes, le casting brillant, une référence en matière de document sur la révolution. Si les pieds noirs , les harkis et autres défenseurs de l'Algérie française y voient une falsification de l'histoire c'est que leur dessein, c'est de la falsifier par leurs nouveaux cris d'injustice.