Docteur Abderrahmane MEBTOUL professeur d'Université (1) " Au XXIème siècle, les batailles économiques se remportent grâce à la bonne gouvernance fondée sur une réelle décentralisation et la valorisation du savoir " Jacques Attali Au moment où apparait un débat me semble t-il biaisé sur la décentralisation/régionalisation, il me semble utile de bien distinguer les concepts de décentralisation de la régionalisation économique à ne pas confondre avec le régionalisme car le pays le plus décentralisé du monde c'est les Etats Unis d'Amérique. D'ailleurs, se targuer d'être plus nationaliste en invoquant le retour au tout Etat/gestionnaire sous le couvert du patriotisme économique ne résiste pas à l'observation car dans les pays où domine la propriété privée, qui s'étend d'ailleurs en Russie et en Chine fondateurs du communisme, les citoyens de ces pays sont fiers d'être américains , allemands, français , coréens du Sud ou anglais. Concernant justement la régionalisation économique, on peut la retrouver également pour un autre modèle politique en Chine, en Inde, en Allemagne(Länder) et même dans un petit pays en Suisse avec les cantons, et le pays le plus centralisé actuellement en Occident est bien la France du fait de l'héritage jacobin montrant les difficultés des réformes dans ce pays . Ces concepts ont été largement influencés par l'internationalisation de l'économie posant la problématique de la nouvelle fonction de l'Etat ,comme le montre clairement plus près de nous la construction de l'union européenne avec le passage d'une vision économiciste à une vision plus large à travers le Traité de Lisbonne que j'analyserai dans la suite de cette contribution, l'Union européenne ayant créé le comité des régions, qui est une instance de consultation devant être consulté dans un grand nombre de secteurs : environnement, formation professionnelle, coopération transfrontalière, transports, etc. le but étant d'intégrer ses avis dans les procédures décisionnelles, notamment pour s'assurer que la législation communautaire tienne un juste compte des réalités régionales D'où l'importance d'essayer de répondre à la problématique suivante qui interpelle l'Algérie : est-ce que la décentralisation et la régionalisation économique s'assimilent- elles à l'éclatement de l'Etat-nation ou au contraire ne sont-elles pas un moyen efficace de développement économique et social du pays , de la construction d' un Etat de droit et de rapprocher les populations de l'Etat pour une participation plus citoyenne ?
I.- Mieux définir les concepts de décentralisation/régionalisation a- La déconcentration est souvent considérée comme une forme contrôlée de décentralisation. Elle est mise en œuvre le plus souvent dans des Etats unitaires. La déconcentration redistribue la compétence décisionnelle et les responsabilités en matière de finance et de gestion entre les divers échelons de l'administration centrale. Elle peut se contenter de transférer les responsabilités des fonctionnaires du gouvernement central situés dans la capitale vers les fonctionnaires situés dans les régions, provinces ou district, ou alors mettre en place une administration de terrain puissante ou des capacités administratives locales supervisées par les ministères de l'autorité centrale. b-La délégation est une forme de décentralisation administrative de plus grande ampleur. Elle consiste à redistribuer des responsabilités décisionnelles et relatives à l'administration des fonctions publiques à des organisations semi-autonomes redevables à l'autorité centrale mais pas entièrement sous son contrôle. c-La dévolution est souvent considérée comme la forme de décentralisation la plus radicale. Lorsque l'autorité dévolue des fonctions, elle transfert la compétence décisionnelle, financière et de gestion à des unités presque autonomes de l'autorité locale qui jouissent du statut de personne morale. En règle générale, la dévolution transfert des responsabilités relatives aux services à des conseils municipaux/ de district qui élisent leur propre maire et conseil, se procurent leurs propres revenus (au moins partiellement) et prennent leurs décisions d'investissement de manière indépendante. Le champ d'action des autorités locales d'un système "dévolu" est limité par des frontières géographiques claires et légalement reconnues. C'est dans ce cadre-là qu'elles exercent leurs compétences et accomplissent leurs tâches de fonctions publiques. d- La décentralisation est définie par la Banque mondiale, comme le transfert d'autorité et de responsabilité en matière de fonctions publiques depuis l'administration centrale vers les autorités intermédiaires ou locales ou vers des organismes gouvernementaux quasi autonomes et ou vers le secteur privé. Cette décentralisation a débuté de la fin des années 60 au milieu des années 70 en Afrique; ces expériences n'ont pas été encourageantes, car l'impact des réformes administratives intégrées dans les projets de développement de nombre de pays nouvellement indépendants a été très limité. Mais au début des années 90; une 2ème "Vague" ou génération de décentralisation a pu être observée de manière globale dans un nombre croissant de pays en développement. Dans cette période, le concept évolue montrant la complexité et l'interpénétration des récents processus de décentralisation qui ont privilégie la modernisation de l'Etat; la gouvernance locale; la démocratie locale et le développement économique local comme facteurs - clés d'un processus de développement durable. e- La région : la région est une étendue territoriale caractérisée par une unité. Cette unité est largement reconnue par les habitants, d'une part, et par les étrangers à ce territoire, d'autre part. Il peut aussi s'agir d'un espace qui est revendiqué comme tel par des acteurs politiques. Elle est un sujet politique, un système politique à part entière. Elle constitue un cadre politique, normatif, constitutionnel, économique et culturel. C'est un lieu d'exercice des droits et des pouvoirs, d'élaboration et de mise en œuvre de politiques publiques. Dans la mesure de ses compétences effectives, la région peut se donner à elle-même des modèles sociaux, des modes de mise en scène de la vie quotidienne, des formes de solidarité et de développement. Elle peut développer des stratégies propres et mobiliser des ressources à cette fin. Les habitants peuvent se considérer ou être considérés par d'autres comme ayant des traits psychologiques communs, partagés par les seuls ressortissants de la région. Ces traits sont apparus à la suite d'une longue histoire commune ou, à défaut, d'un combat commun violent. Cette spatialisation de l'identité faite de la région un espace identitaire. Mais les critères d'identification d'une région sont multiples. -Géographiquement, la région se détermine selon des conditions naturelles (climat; relief; hydrographie) ; historiquement, le poids des habitudes et des traditions; la longue durée encore; rejoint ici le choix. Car ces aspects influencent le choix politique car le changement et l'instabilité des modes de vie incite à chercher des certitudes auxquelles on se raccroche. Economiquement, les politiques de développement sont devenues l'élément essentiel de l'action régionale. Il était donc logique qu'elles participent à la segmentation de l'espace afin que la région devienne un outil économique. Politiquement, la région peut relever de critères "politiques", qui renvoient à l'expression d'un vouloir- vivre en commun de la part des habitants. Cette volonté politique est en général façonnée par la combinaison des différents facteurs. La politique est le facteur constitutif de la région ; elle permet aussi d'en distinguer certaines particularités. L'analyse des votes par exemple permet de rendre compte de son homogénéité ou de son hétérogénéité. Des régions politiques peuvent naître par défaut. Des régions puissantes se constituant politiquement, le reste du territoire national est obligé de suivre. Par ailleurs, une région peut être "frontalière- périphérique". C'est l'existence d'une frontière nationale qui confère sa spécificité à ce type de région. La frontière a une existence et des effets quant à la séparation entre deux Etats. Elle est un symbole de la différence. Elle repousse et attire simultanément. Une région peut également être "frontalière transnationale", la région se développant alors sur deux ou trois Etats. Enfin, une région peut être "instrumentale-technocratique", des fonctionnaires peuvent, dans un objectif précis, tracer les limites d'un espace dans lequel certaines compétences peuvent s'exercer ou dans lequel certaines subventions peuvent être demandées. Cela aboutit à une région souvent "incomplète" sans identification de la part des habitants.
II.-les différents types de la décentralisation On peut distinguer principalement trois formes de décentralisation dans le cadre du secteur public. La décentralisation politique correspond à la délégation de pouvoir politique et de compétences décisionnelles à des subdivisions administratives tels que des conseils villageois élus, des conseils de district et des collectivités d'Etat. On est en présence de dévolution lorsque la délégation de certaines compétences décisionnelles, de financement et de gestion est faite à des collectivités publiques locales autonomes et totalement indépendantes de l'autorité à l'origine de la dévolution. La décentralisation fiscale implique une réallocation de ressources à une autorité locale d'un montant lui permettant de remplir correctement ses tâches. Elle comprend également le transfert de la responsabilité en matière de prestations de services pour les fonds alloués. Les arrangements concernant l'allocation des ressources se négocient en règle générale entre l'autorité locale et centrale. L'affectation des impôts locaux, la répartition des recettes fiscales, la fixation de taxes de marché et d'utilisateur relève également de la politique en matière de décentralisation fiscale. Et enfin, la décentralisation administrative qui représente le transfert de compétences décisionnelles, de ressources et de responsabilité à des finss de la fourniture d'un certain nombre de services publics, depuis l'administration centrale vers d'autres niveaux administratifs, divers organismes ou des antennes des organismes satellites de l'administration centrale.
III- Avantages et limites de la décentralisation
Le développement économique et la réalisation des gains ne peuvent se faire sans qu'il y ait une décentralisation politique. Car l'augmentation des entités décentralisées permet aux citoyens ou bien tous individus ou entreprises de trouver des collectivités assurant le niveau de services qui répond le mieux à leurs choix. Car, le développement économique local est un processus de transformation orienté sur la manière dont sont prises les décisions économique et politique à l'échelon local, l'objectif final étant d'améliorer les conditions de vie de la société locale de manière participative. Donc l'importance de la décentralisation des processus de développement local est liée à la nécessité d'une bonne gouvernance à tous les échelons gouvernementaux. Cette bonne gouvernance au niveau local présente plusieurs avantages : elle stimule la prise en compte des intérêts locaux ;-augmente l'interaction entre les parties prenantes, renforce le pouvoir des groupes de citoyens locaux et de la population en général et favorise les retombées dans d'autres domaines politiques. Par ailleurs, la décentralisation va imposer la nécessité d'existence d'une gouvernance locale reposant sur cinq leviers : redevabilité; transparence, non - discrimination, participation d'un grande nombre de la population, efficacité dans l'utilisation des ressources humaines et financieres; renforcement des capacités des individués et des institutions et des sociétés à remplir des fonctions qui résolvent les problèmes, fixer et réaliser des objectifs de manière durable et dans le temps (donc un renforcement de la société civile et du secteur privé).