La crise grecque, qui secoue les marchés européens et provoque une baisse continue du taux de change de l'euro contre le dollar, a un impact négatif sur l'Afrique, mais cet impact est moins important en Afrique qu'en Europe, ont indiqué des ministres des pays africains lors d'un forum de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) vendredi à Paris. "Nous avons une monnaie commune qui est garantie par le Trésor français", a rappelé le ministre sénégalais de l'Economie et des Finances, Abdoulaye Diop, lors du dixième Forum économique international sur l'Afrique, tenu vendredi au siège du ministère français de l'Economie. En Afrique de l'Ouest, huit pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Togo, Sénégal) ont formé une union monétaire. Leurs devises (franc de la communauté financière d'Afrique, FCFA) sont des contrevaleurs à parité fixe avec l'euro, dont la valeur est garantie par le Trésor public français, dans le cadre du traité de Maastricht. Un euro équivaut 655,957 francs CFA. "Le premier souci pour les Africains, surtout ceux de la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), est d'ordre monétaire", a écrit le journal ivoirien L'intelligent d'Abidjan. Dans son discours prononcé lors de l'ouverture des assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) à Abidjan, en Côte d'Ivoire le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Jean Ping, a présenté sa "préoccupation causée par l'évolution inquiétante de la situation en Europe, suite au déséquilibre financier de la Grèce et à la fragilité d'autres pays européens". Lundi dernier, le taux de change de l'euro a glissé sous le seuil des 1,19 à 1,1894 dollar contre un euro, une première depuis plus de quatre ans. Ce qui arrive à l'euro "ne peut pas forcément arriver en Afrique", a souligné M. Diop. "Cependant, il y a une transition du genre de l'appui économique de l'Union européenne" sur l'Afrique, a-t-il dit, ajoutant : "Dans l'UEMOA, nous avons constamment un échange avec l'Europe." Interrogé par la présentatrice de la BBC Mishal Husain pour savoir si la crise de la dette européenne constitue le plus grand risque pour le Sénégal, M. Diop a répondu : "oui". Pour lui, cette crise pose des défis pour tous les pays de l'Afrique, y compris le Sénégal. "Nous sommes moins affectés qu'en Europe", a souligné M. Diop devant plus d'une centaine de personnes qui prenaient part à ce forum. Selon les Perspectives économiques en Afrique 2010, publiées en mai dernier par l'OCDE et la Banque africaine de développement, la plupart des pays africains ont pu absorber le choc de la crise financière mondiale, grâce à des politiques prudentes et à la désinflation. Le resserrement des liens économiques avec l'Asie - dont la croissance est restée soutenue - a également permis au continent d'amortir l'impact du ralentissement dans les pays de l'OCDE. L'Afrique reste encore très dépendante de l'économie mondiale et du prix des matières premières. Comme l'indique la Banque africaine de développement dans un rapport présenté lundi sur les perspectives économiques du continent pour 2010 et 2011: "La croissance a été laminée, passant d'un taux moyen d'environ 6 % en 2006-2008 à 2,5 % en 2009 avec un PIB par habitant pratiquement au point mort." Le ralentissement a frappé de plein fouet les mines, l'industrie manufacturière et le tourisme, trois secteurs très sensibles aux soubresauts internationaux. Ceci ayant entraîné une baisse des exportations (2,5 % en 2009, 30 % en valeur), l'effondrement du prix des matières premières, moins de revenus issus des travailleurs expatriés et une diminution d'un tiers des investissements directs étrangers. "En même temps, l'Afrique a été plus résistante, notamment grâce à des fondamentaux macroéconomiques beaucoup plus solides, que lors des précédentes crises dans les années 1990, relève Alberto Amurgo Pacheco, économiste à l'OCDE. L'inflation est bien mieux maîtrisée, les réserves monétaires et les balances courantes plus positives." Certains pays, comme l'Afrique du Sud et l'Égypte, ont ainsi pu mener des politiques de relance budgétaire et monétaire pour résister à la crise. À noter aussi le rôle positif de l'aide publique au développement qui n'a pas diminué, et le service de la dette qui s'est amélioré grâce aux allégements consentis par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, qui ont en outre octroyé plusieurs prêts.