Photo : S. Zoheir Par Smaïl Boughazi La crise qui affecte actuellement le Vieux Continent a certainement des répercussions sur l'économie algérienne. Plusieurs experts ne cachent pas que l'impact, qu'il soit négatif ou positif, sera ressenti en Algérie. En effet, si la crise financière qui a bouleversé le monde entier a eu un impact modéré sur les fondamentaux de l'économie algérienne, il n'en demeure pas moins que cette crise européenne, dont la fin n'est pas encore proche, impactera autrement notre économie, sachant que l'Europe demeure un fournisseur important pour l'Algérie mais également un partenaire de taille. Ce qui fait dire qu'il faut suivre de près cette nouvelle secousse économique. D'emblée, les experts économiques en Algérie sont unanimes sur la question de la monnaie unique, en difficulté ces derniers mois. Pour M. Bouazouni, économiste statisticien et chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), la chute de la valeur de l'euro «est bénéfique pour le marché formel mais pas pour le marché informel». En d'autres termes, cet expert explique que, pour le marché formel, «la vraie valeur de l'euro sera déclarée, cependant pour l'informel, il y aura moins d'argent en circulation sur le marché, parce que, précise-t-il, il y aura moins de travail et nos émigrés sont les plus vulnérables à la situation et, par ricochet, les transferts d'argent vont baisser». La même source ne cache pas en outre que «si la situation perdure, les répercussions pourraient changer puisque la chute de la valeur de la monnaie unique provoquera une récession économique». «Donc, il y aura moins de production et baisse de salaires, ce qui impactera la consommation des ménages», selon M. Bouazouni. Ainsi, à ses yeux, «l'Algérie ne peut pas placer ses produits sur le marché européen». De son côté, M. Brahim Gacem, expert financier international de Business Management de l'université de Genève, pense que ces nouvelles donnes seraient bénéfiques pour le pays. Il a estimé que la crise mondiale a eu des retombées profitables pour l'économie algérienne en raison de la baisse de l'euro depuis quelques mois et qui s'est accentuée ces dernières semaines et ce, parallèlement à la hausse des prix du pétrole. «Si la crise économique perdure, il va y avoir un ralentissement de la demande de pétrole, ce qui va se répercuter encore sur ces prix», précise-t-il, soulignant qu'à la suite de cette conjoncture économique, l'euro a connu une baisse de 20%, ce qui «est bénéfique et profitable pour les importations de l'Algérie qui connaissent actuellement une baisse de l'ordre de 20%». En outre, cet expert pense que la détérioration de la monnaie unique va fragiliser les Etats de l'UE, ce qui les mettra dans une «position difficile» sur le plan économique et financier. Une situation, estime l'expert, qui pourrait profiter à l'Algérie de même qu'à tous les pays émergents qui devraient en tirer profit et mieux négocier leurs relations avec les Vingt-sept. Il est utile de rappeler que l'euro est tombé à son plus bas niveau depuis quatre ans, plombé par des inquiétudes grandissantes sur la viabilité de la zone euro. Il semblerait que la situation se soit inversée ces derniers temps. On se souvient des premiers temps de la crise mondiale et de la chute de la valeur du dollar et de la hausse de la valeur de la monnaie unique. Les importateurs algériens, alors, se sont réorientés vers la zone dollar pour des raisons évidentes. La baisse de la monnaie américaine a poussé les importateurs à se réorienter vers des produits libellés en dollars, ce qui veut dire que la structure en monnaie de nos importations s'est modifiée, avait reconnu le ministre des Finances, Karim Djoudi, lors d'une sortie publique. Il faut dire qu'à travers ces fluctuations qui ne rassurent guère les économistes, le risque plane toujours sur les échanges commerciaux du pays, sachant que l'Algérie exporte les hydrocarbures en dollars et importe en euros. Enfin, côté européen, signalons que les responsables de la Banque centrale européenne (BCE) sont optimistes quant à une issue heureuse pour l'euro. Le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, met plutôt en cause la politique fiscale de certains pays et la spéculation dans tout ce qui s'est passé. «L'euro est une monnaie crédible», a-t-il déclaré à un quotidien allemand. «En clair, ce n'est pas l'euro qui est en danger mais la politique fiscale de certains pays, qu'il faut prendre à bras-le-corps», a-t-il ajouté. «Les mouvements sur les marchés sont toujours une combinaison de l'humeur des investisseurs et de l'influence de spéculateurs, comme les hedge funds», pense M. Trichet. Le président de la BCE a également rappelé qu'il était favorable à une plus grande régulation des banques et des fonds spéculatifs. «Dans le secteur financier en général, pas seulement dans les banques, certains comportements se sont développés qui s'écartent fortement des valeurs fondamentales de nos sociétés démocratiques. Nous avons besoin d'un changement de valeurs dans le secteur financier», a-t-il dit.