Le déversement de pétrole dans le golfe du Mexique à la suite de l'explosion dans le puits Macondo deviendra-t-il le Three Mile Island de l'industrie du forage en haute mer? Si l'effet de ce désastre écologique sur les futurs forages en eaux profondes est semblable à l'effet de l'accident de Three Mile Island, en 1979, sur la construction de nouvelles centrales nucléaires, alors les Américains devront prendre l'habitude de consommer beaucoup moins de pétrole et de payer beaucoup plus cher celui qu'ils consomment. Le golfe du Mexique était la seule région des États-Unis où l'industrie pétrolière avait une chance raisonnable d'assurer la croissance de la production domestique de brut. La production en Alaska et dans les 48 États contigus a atteint son apogée il y a longtemps déjà et est actuellement dans sa phase de déclin terminal. Si la part de la production pétrolière américaine provenant des gisements en eaux profondes ne connaît pas une croissance constante, les réserves de pétrole américain continueront à s'épuiser comme elles le font depuis presque 40 ans. Le marché risque de représenter un obstacle encore plus grand à la production en eaux profondes que la colère de la Maison-Blanche ou du Congrès. BP a déjà perdu près de 50% de sa capitalisation boursière, et la note de sa dette a été dégradée au statut d'obligation à haut risque; et il est réaliste de penser que la fuite de 60 000 barils de brut par jour ne sera pas colmatée avant plusieurs mois. Même si l'entreprise arrive à forer d'ici le mois d'août un puits de secours qui permette d'endiguer la fuite, il se sera écoulé du puits Macondo l'équivalent de 10 Exxon Valdez. Et bien avant que le puits soit colmaté, les ouragans auront poussé vers le littoral des kilomètres carrés de marée noire et peut-être même fait pleuvoir du pétrole. Si la croissance de sa dette force BP à déposer une demande pour la protection de la faillite sous le chapitre 11, les autres sociétés pétrolières prendront-elles le risque de suivre la voie de BP en haute mer ? Et si elles ne le font pas, ce ne sera pas seulement la production pétrolière américaine qui sera en chute libre. Au cours de la dernière décennie, la production en eaux profondes a crû de 4,3 millions de barils par jour, représentant près de la moitié de la croissance de la production pétrolière mondiale. Récemment, la Cambridge Energy Research Associates (CERA) a prédit que la part de la production de pétrole en haute mer allait doubler, passant de 6% à 12% de la production mondiale de pétrole. Il est clair que presque toutes les perspectives optimistes en ce qui concerne l'approvisionnement en pétrole reposent sur une augmentation importante de la production en haute mer au cours des deux prochaines décennies. Aussi, si l'on en croit le directeur général de l'Agence internationale de l'Energie Nobuo Tanaka, la marée noire dans le golfe du Mexique pourrait nettement diminuer la production mondiale de pétrole. Une situation de nature à faire grimper le cours. Alors-même que le retour de l'Irak sur le devant de la scéne pétrolière devrait permettre d'accroître l'offre. Selon l'AIE, les conséquences du naufrage de la plate-forme de BP en Louisiane pourrait amputer la production mondiale de pétrole de 900.000 barils par jour (b/j) par rapport au niveau qu'elle aurait dû atteindre en 2015. Début juin, l'AIE estimait dans un rapport que les mesures prises par le Président américain pourrait, s'il est prolongé, retirer jusqu'à 100.000 à 300.000 b/j de la prévision de production de brut américain dans le golfe du Mexique d'ici 2015. Mais désormais, les chiffres sont revus à la hausse, d'autres pays pouvant emboîter le pas au chef de l'Etat américain. "Si d'autres pays tels que l'Angola, le Brésil et la Mer du Nord suspendent les nouveaux projets de développement en mer (...), l'impact sur la production mondiale de pétrole pourrait être de 800.000 à 900.000 b/j en 2015", a ainsi déclaré M. Tanaka,. Même si ce déclin de production ne représenterait que 1% de l'offre mondiale, il ne "peut être ignoré", a-t-il ajouté. Une déclaration qui pourrait faire grimper le cours qui peine actuellement à progresser. Pourrait s'ajouter à cela un impact potentiel supplémentaire de 550.000 b/j du fait de risques sur la production du Brésil, de l'Angola et du Nigeria. Toutefois, "il n'y a actuellement aucune indication sur le fait que l'octroi de permis (de forage) dans ces pays puisse être affecté" par la marée noire, prévient l'AIE.