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Une économie rentière ou une transition inachevée
Publié dans Le Maghreb le 04 - 07 - 2010


Docteur Abderrahmane MEBTOUL*
C'est également durant cette période qu'est signé l'Accord avec l'Europe le 01 septembre 2005, pour une zone de libre-échange
constituant un acte politique de première importance depuis l'indépendance politique postulant et c'estcourant novembre 2008 qu'est
amendée la constitution, non pas par référendum mais à la majorité des deux chambres, les députes et sénateurs se feront comme leurs prédécesseurs voter un salaire de plus de 300.000 dinars par mois, plus de quatre fois le salaire d'un professeur d'université en fin de carrière.
Cet amendement ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de premier ministre consacrant un régime présidentiel. Dans la foulée l'élection présidentielle s'est tenue le 09 avril 2009 où l'ancien président est réélu pour un nouveau mandat de cinq années (2009/2014) en promettant la création de trois millions d'emplois durant cette période et d'augmenter le pouvoir d'achat des Algériens. La période de 2004 à 2009 devait être consacrée à asseoir un Etat de droit avec la réforme des institutions, du système financier poumon des réformes, du secteur agricole et l'accélération des privatisations
4-L'ALGERIE DE 2010 : UNE TRANSITION INACHEVEE
L'objectif était une dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures. Le pré programme de soutien à la relance économique reposant sur les dépenses publiques (plus de 7 milliards de dollars US) ayant eu lieu avant 2004, celui programmé entre 2004/2009 clôturé à plus de 200 milliards de dollars US dont aucun bilan n'a été réalisé : a t -on dépensé l'intégralité de ces 200 milliards de dollars ? . Mais durant cette période, comme durant la période 1980/1985, du fait de la compression de la demande sociale durant la période du terrorisme, demande qui a explosé depuis 2000, la priorité a été accordée aux infrastructures qui ne sont qu'un moyen du développement et non au management stratégique de l'entreprise seule source permanente de la richesse. D'autant plus que l'on se rendit compte du fait de la mauvaise gestion à tous les niveaux, les effets escomptés ne sont pas proportionnels aux dépenses avec une corruption socialisée de la BADR, de Khalifa, de la BCIA, BNA ,BEA ,BDL bon nombre d'agences du CPA et d'autres banques et d'entreprises publiques dont Sonatrach, le projet autoroute Est-Ouest , et bien entendu qui touche tous les autres secteurs de l'économie nationale ce qui a fait dire aux observateurs que le risque est de passer de l'ancien terrorisme à un autre - entendu la corruption- plus mortel pour le pays . D'autant plus qu'il a été programmé une nouvelle enveloppe de 286 milliards de dollars contre une prévision initiale de 150 entre 2010/2014 avec un reste à réaliser de 2004/2009 de plus de 130 milliards de dollars et se pose la question, l'Algérie aura t- elle cette capacité d'absorption de cette importante masse monétaire et ne risque t- on pas d'assister avec le divorce objectifs ambitieux, moyens de réalisation limités surtout par la ressource humaine dévalorisée et la faiblesse d'une régulation claire , faute d'institutions adaptées à la transition à l'accélération de la mauvaise gestion pour ne pas dire corruption ? C'est dans ce cadre, que l'on assiste à une relative aisance financière ( plus de 150 milliards de dollars de réserve de change fin juin 2010 et un stock de la dette inférieur à 4 milliards de dollars US qu'il s'agit de ne pas confondre avec le service de la dette (moins de 1 milliard de dollars ) mais une régression économique et sociale ( exportation hors hydrocarbures inférieure à 2% du total) et un taux de croissance de 1,6% en 2006, inférieur à 3% entre 2007/2009, contre plus de 5% entre 2003/2005 , une prévision selon le FMI et la banque mondiale à 4% pour 2010/2011, donc une faible création d'emplois à valeur ajoutée car un taux de croissance même positif par rapport à un taux de croissance antérieur faible donne toujours une croissance relative faible, et ce malgré des dépenses monétaires sans précédent. Il s'ensuit un taux de chômage selon l'organe officiel ONS, de 11,6%,mais plus de 20%, selon les organismes internationaux , avec des tensions de plus en plus criardes avec le retour de l'inflation- plus de 4% selon l'officiel en 2007, 4,7% en 2008, plus de 5,5% pour 2009, (12% selon certains organismes internationaux 2007/2008 contre moins de 3% entre 2002/2006) et donc la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité avec une nette concentration du revenu au profit d'une minorité de couches rentières, détérioration accélérée par un endettement croissant surtout des couches moyennes laminées, des prêts pour voitures, logements, électro- ménagers qu'il faudra rembourser avec des taux d'intérêt composés. Aussi les surcoûts estimés à environ 20% deviennent inquiétants par rapport aux normes internationales concernant la majorité des projets , mauvaise gestion et comme le montrent les scandales financiers récents surfacturation avec des projets réévalués parfois à plus de 40% , expliquant que l'Algérie selon les organismes internationaux est classée à un niveau de corruption très élevé entre 2004/2010, le problème n'étant pas tant le financement mais l'utilisation rationnelle des ressources financières. Surtout avec les impacts de la crise mondiale actuelle qui engendrera de nouvelles mutations économiques, monétaires et énergétiques entre 2015/2020 qui auront un impact sur l'économie algérienne, crise systémique qui sera d'une longue durée du fait des impacts mondiaux (l'interdépendance des économies) et selon l'avis unanime des observateurs internationaux jusqu'en 2013/2014 si les thérapeutiques appliquées s'avèrent efficaces ce qui n'est pas évident car les fondamentaux de la crise sont toujours là , à savoir la dominance de la sphère financière sur la sphère réelle et les distorsions entre l'envolée des profits spéculatifs et la baisse du salaire réel comme en témoigne le taux de chômage élevé aux USA et en Europe. Or, comme en 1986, courant 2008/2009 différents responsables politiques déclareront à la télévision officielle que la crise ne touche pas l'Algérie du fait de non connexion avec le système financier mondial, comme s'il fallait s'en féliciter, de la non convertibilité du dinar et de l'importance des réserves de change. Ce que l'on oublie c'est la chute des cours des hydrocarbures qui représente plus de 98%des recettes en devises, le prix de cession du gaz représentant 1/3 des recettes de l'Algérie connaît une chute d'environ 40% depuis une année , ( 4/5 dollars le MBTU) , avec l'entrée du gaz non conventionnel surtout aux USA, posant la problématique de la rentabilité des deux nouveaux GNL( Arzew et Skikda) , premier importateur les années passées, pouvant devenir exportateur net horizon 2020, la bulle gazière risquant d'aller au-delà de 2014/2015 Et surtout l'urgence d'une gestion active de nos réserves de change, en majorité à l'extérieur au moment où le taux d'escompte des principales banques centrales occidentales et asiatiques tend vers zéro , donc un rendement faible voire négatif pondéré par le taux d'inflation (plus de 80% selon les propos du ministre des Finances algérien à l'APN) et à l'épuisement des ressources pétrolières et gazières dans moins de 30 années, un jeune de 5 ans aujourd'hui aura 35 ans où la situation serait comparable à celle de certains pays les plus pauvres d'Afrique si l'Algérie entre 2010 et 2020, n'aurait pas préparé l'après hydrocarbures.
5.- POUR UNE GOUVERNANCE RENOUVELEE
Le constat à travers ce cheminement historique est que durant cette période de transition difficile d'une économie étatisée à une économie de marché concurrentielle et l'Etat de droit est que les réformes sont timidement entamées malgré des discours apparemment libéraux, et moralisateurs que contredisent journellement les pratiques sociales. Les banques, lieu de distribution de la rente, continuent de fonctionner comme des guichets administratifs, et du fait des enjeux les réformes souvent différés s'attaquant plus aux aspects techniques qu'organisationnels, alors qu'elles sont le moteur des réformes, la privatisation et le partenariat comme moyens d'investissement et de valeur ajoutée piétinent faute de cohérence et de transparence ; la facture alimentaire continue d'augmenter malgré le fameux programme agricole ( PNDA) dont il conviendra de faire le bilan du fait de plusieurs milliards de dollars de dépenses , la bureaucratie et la corruption continuent de sévir. Comme conséquence, résultats de la pratique de plusieurs décennies et non seulement de la période actuelle, nous assistons à des tensions à travers toutes les wilayas contre la hogra- la corruption, la mal vie, d'une jeunesse dont le slogan " nous sommes déjà morts " ce qui traduit l'impasse du système économique à générer une croissance hors hydrocarbures, seule condition d'atténuation des tensions sociales pour faire face à ce malaise social. Ne pouvant séparer la micro de la macro ,gouvernance renvoyant à l'urgence de la cohérence dans la politique socio- économique évitant l'instabilité juridique, la question centrale qui se pose et qui devrait interpeller les plus hautes autorités algériennes au plus haut niveau est comment avec une dépense publique sans précédent depuis l'indépendance politique, les résultats sont-ils si mitigés d'où l'urgence d'une quantification précise des capacités d'absorption de ces dépenses car tout divorce entre les objectifs et les moyens nationaux limités, dont la solution de facilité est le recours forcément comme entre 2004/2009 aux entreprises étrangères avec des réalisations clefs en main limitant forcément l'accumulation du savoir-faire technologique et organisationnel interne sans compter les réévaluations permanentes? Doit-on continuer dans cette trajectoire où les dépenses ne sont pas propositionnelles aux impacts avec ce paradoxe, où le PIB moyenne 2007/2009, est presque l'équivalent des réserves de change dues à des facteurs exogènes alors qu'il aurait dû être supérieur à 10% comparé à des pays pour des dépenses montrant une allocation non optimale des ressources financières et donc un gaspillage dont la corruption est la face visible . Sans de nouveaux mécanismes de régulation et de mécanismes transparents de contrôle ne risque-t- on pas de doubler avec cette injection monétaire la corruption facteur de démobilisation ? D'une manière générale, la dépense publique a ses propres limites comme le montre la crise mondiale récente, et le problème fondamental stratégique qui se pose à l'Algérie réside en l'urgence d'une bonne gouvernance renouvelée, l'épanouissement de l'entreprise concurrentielle nationale ou internationale et son fondement la valorisation du savoir, richesse bien plus importante que toutes les ressources d'hydrocarbures, comme le montre la réussite des pays émergents et non l'unique dépense monétaire d'autant plus que les infrastructures ne sont qu'un moyen limité d'un développement durable. Aussi l''objectif stratégique posant la question de la sécurité nationale est le passage d'une économie rentière à une économie productive en incluant les services qui en ce XXIème siècle ont un caractère de plus en plus marchand afin de construire une société basée sur plus de justice sociale, plus de libertés, une participation plus active de la femme à la gestion de la Cité, un Etat de droit et de démocratie tenant compte tant de notre anthropologie culturelle que des nouvelles mutations mondiales. D'où l'importance à mes yeux de l'intégration maghrébine au sein de l'espace euro- méditerranéen, tout en n'oubliant pas le continent Afrique, tenant compte du nouveau défi écologique et des énergies alternatives, en ce monde impitoyable où toute Nation qui n'avance pas recule. Ce d'autant plus que le principal défi du XXIème siècle pour l'Algérie sera la maîtrise du temps. Pour relever ce défi stratégique , le pouvoir bienfaisant comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l'échange d'une partie de la rente contre la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice
*Professeur d'Université en management stratégique (Economiste - Algérie)
NB- Voir ma contribution parue dans El Watan/quotidien d'Oran juin 1994/juin 1995 " rente et logique de la politique socio-économique 1962/1995 " et reproduit dans mon ouvrage l'Algérie face à la mondialisation OPU Alger ( 420 pages Alger 2001) tome 1: pour une nouvelle culture économique, nous avons déjà développé les axes fondamentaux de la logique du système rentier.


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