Sans surprise, le Fonds monétaire international a revu à la hausse ses prévisions de croissance mondiale, qui devrait atteindre 4,6% en 2010 (au lieu des 4,2% prédits en avril dernier) et 4,3% en 2011. Ces nouveaux chiffres, annoncés symboliquement lors d'une conférence de presse tenue à Hongkong, marquent une amélioration pour l'ensemble des continents, à l'exception de l'Europe. Alors que la richesse produite cette année s'accroîtra de 6,8% dans les pays émergents ou en développement, de 3,3% aux États-Unis et de 2,4% au Japon, la zone euro ne progressera que de 1% et de 1,3% l'an prochain. Notons que la France et l'Allemagne sont créditées des mêmes performances sur l'année en cours (1,4%) et la prochaine (1,6%). Devenue le maillon faible de l'économie mondiale, l'Europe, plombée par ses finances publiques, pèse encore suffisamment lourd pour représenter un risque systémique. "Les nuages ont commencé à s'amonceler sur la Grèce, pour s'étendre rapidement à l'Europe, et menacer de couvrir l'ensemble de l'économie mondiale", explique Olivier Blanchard. L'économiste en chef du FMI s'est employé à décrire les quatre vecteurs de diffusion des difficultés budgétaires du Vieux Continent au reste de la planète: "Le premier est une dépréciation de l'euro; le deuxième est un durcissement des prêts bancaires; le troisième est la nécessité d'un ajustement budgétaire qui, même bien réalisé, va affecter négativement la demande et la croissance à court terme; le quatrième est une réorientation des flux de capitaux." La baisse de l'euro est certes une bonne chose en soi "pour les exportations" de l'Euroland. En revanche, le FMI rappelle que les États-Unis, le Japon, la zone euro et le Royaume-Uni vont devoir renouveler "un montant colossal" (sic) de 4300 milliards de dollars de dettes publiques au deuxième semestre 2010. Les tensions sur les marchés obligataires liées à ces besoins conduisent à fragiliser les bilans des banques, lesquelles risquent d'avoir des difficultés à jouer leur rôle de prêteur. Quant aux programmes de réduction des déficits publics, le FMI les évalue d'ores et déjà à environ 1,25% du PIB en 2011 en Europe. Un effort "dans l'ensemble approprié", mais le rééquilibrage des finances publiques que les pays européens ont dû entreprendre dans l'urgence conduira à amputer de 0,25 point leur croissance l'an prochain. Quatrième effet perturbateur de la crise européenne: "La plus grande aversion au risque des investisseurs a conduit ces derniers à rapatrier leurs fonds." Avec pour conséquence une volatilité des marchés boursiers et un assèchement des émissions obligataires, souligne Olivier Blanchard. Le FMI ne va pas jusqu'à envisager une rechute plus ou moins généralisée dans la récession, mais il considère que le risque d'une "spirale négative entraînant le secteur financier et l'économie (réelle) s'est accru". Priorité à la croissance, c'est le message qu'a voulu faire passer le G20 réuni ce week-end à Toronto. Un objectif que personne ne remet en cause, mais qui divise quant aux moyens d'y parvenir. Or sur ce point, les chefs d'Etat et de gouvernement n'ont pas tranché. Doit-on pour autant le regretter ? Austérité ou relance ? Personne n'espérait vraiment que les 20 premières économies du monde allaient tomber d'accord sur cette question qui les oppose fondamentalement depuis que les Européens ont pris le virage de la rigueur. Sans surprise, le communiqué publié à l'issue du G20 laisse toute latitude aux uns et aux autres pour poursuivre leurs politiques : il encourage une consolidation des budgets tout en mettant en garde contre une austérité généralisée. En pratique, les Etats-Unis pourront mener à bien leur politique de relance, et les Européens leurs coupes budgétaires. Personne ne s'attendait non plus à ce que la taxe bancaire prônée par l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni remporte l'adhésion au G20. Elle se retrouve tout de même mentionnée dans le texte final, sous l'expression "levier financier". "Le G20 reconnaît la légitimité de la taxe, c'est déjà bien !" insiste Paris, qui compte la mettre en œuvre quoi qu'il arrive. Ainsi, c'est un texte consensuel qui prend acte des approches de chacun sans trancher pour une méthode commune, éloignant ce sommet de ses prédécesseurs qui avaient vu les Etats opposer un front plus franchement uni face à la crise. Ce qui ne signe pas pour autant l'échec de cette réunion, pour le chef de l'Etat français. "Les temps étant plus apaisés, il est normal qu'on rentre dans des G20 à connotation moins dramatique", a fait valoir Nicolas Sarkozy. "On ne peut pas prendre des décisions historiques à chaque fois, mais chaque fois c'est important de discuter", a ajouté le président qui avait annoncé un "sommet de transition".