Le texte de loi définissant les conditions et modalités d'exploitation des terres agricoles relevant du domaine privé de l'Etat, a été au centre d'un débat animé, mercredi, par les membres du conseil de la Nation. Lors de cette séance qui a suivie la présentation par le ministre de l'Agriculture et du développement rural, M. Rachid Benaïssa, des principes de ce texte de loi, plusieurs membres du conseil ont fait part de leurs préoccupations devant le rôle "limité" de l'Office national des terres agricoles, qui ne dispose pas, ont-ils estimé, de toutes les prérogatives nécessaires à l'accomplissement de ses missions, loin de la bureaucratie. Dans ce contexte, un intervenant a appelé à la dotation de l'Office de "moyens matériels et humains pour lutter contre le détournement illicite du foncier agricole de sa vocation". Les interventions se sont essentiellement axées sur les critères d'éligibilité au droit de jouissance. Un autre membre a évoqué "la possibilité de créer des mécanismes de contrôle des listes des bénéficiaires du droit de jouissance, avant l'émission des annonces relatives aux contrats de jouissance", appelant à la "création d'une commission spécialisée dans l'élaboration des listes". Notons que ce texte de loi, qui constitue le prolongement de la loi d'orientation agricole de 2008, s'appuie sur 15 principes dont "la conversion du droit de jouissance en concession en tant que régime exclusif d'exploitation des terres agricoles". Cette concession de 40 ans renouvelable est éligible à "une personne physique de nationalité algérienne", moyennant redevance versée au Trésor public. Il exclut cependant de cette éligibilité "toute personne ayant procédé à des transactions sur des terres agricoles publiques ou pris possession de celles-ci en violation de la loi en vigueur" de même que les exploitants qui "ont fait preuve de comportements déshonorants lors de la guerre de libération". L'Etat encourage à travers ce texte de loi le regroupement d'exploitations agricoles en cas d'acquisition de plusieurs titres de concessions pour l'exploitation de plusieurs terres agricoles. Quant aux détenteurs d'une nouvelle concession qui ne remplissent pas leurs engagements, le texte prévoit "une résiliation administrative" du droit de concession au lieu de la "déchéance par voie judiciaire". Il garantit par contre aux anciens bénéficiaires le droit de jouissance et à ceux qui ont respecté la législation et le règlement en vigueur "la préservation de leurs intérêts" en leur accordant le droit de concession, transmissible à leurs héritiers. En signe d'encouragement à la modernisation des exploitations agricoles, l'Etat soutiendra, à travers ce texte, "la conclusion de tout accord de partenariat avec une personne physique ou morale algérienne". Il convient de souligner que le nouveau texte concerne uniquement les terres relevant du domaine privé de l'Etat, défini par la loi de 1987 et dont la superficie s'étend sur 2,5 millions d'hectares répartis en 100.000 exploitations agricoles et sur 218.000 bénéficiaires. Il exclut ainsi les 300.000 hectares relevant également du domaine privé de l'Etat mais exploités par des fermes pilotes et des instituts de formation. La superficie agricole globale exploitée en Algérie est estimée à 47,5 millions d'hectares dont 32 millions d'hectares de parcours, 7 millions de forêts et de maquis et 8,5 millions de terres arables dont 5,7 millions appartenant à des exploitants privés et 2,8 millions relevant du domaine privé de l'Etat. Les exploitants bénéficiant du droit de jouissance se verront accorder un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur du texte en question pour déposer leurs demandes de passage au droit de concession auprès de l'Office national des terres agricoles. La durée du passage de la jouissance à la concession est fixée à trois années à partir de l'entrée en vigueur de la dite loi. Notons que les membres du Conseil de la nation ont été unanimes à souligner que la mauvaise distribution des terres agricoles aux investisseurs était, par le passé, le problème majeur à l'origine du détournement de ces terres de leur vocation. Le rapport préliminaire de la commission de l'agriculture et du développement rural du conseil a porté également sur les préoccupations des membres qui ont souligné la nécessité "d'orienter le soutien agricole vers les investisseurs et professionnels". Le rapport a également appelé à un recensement au niveau de chaque wilaya en vue de dénoncer les bénéficiaires du soutien n'ayant pas exploité leurs terres. La commission a, en outre, posé des questions sur le devenir des propriétaires d'exploitations agricoles qui n'ont pas payé leurs quittances depuis 1987 et sur l'éventualité de les exclure des dispositions du texte de loi. Répondant à l'ensemble de ses préoccupations, M. Benaïssa a souligné que le principal objectif tracé à travers l'application de ce texte de loi est de mettre un terme à l'exploitation anarchique de ces terres. S'agissant de la proposition de recensement, il a indiqué que son département a entrepris cette démarche avant de procéder à l'élaboration du texte de loi. Quant au non paiement des quittances par les agriculteurs, le ministre a précisé que l'effacement des dettes de cette catégorie "est à même de résoudre ce problème, notamment pour les personnes qui ont exploité la terre de manière illicite".