La Russie, l'un des principaux exportateurs mondiaux de céréales, a revu fortement à la baisse ses prévisions de récoltes pour cette année en raison d'une canicule et d'une sécheresse sans précédent, a déclaré, mardi le vice-ministre de l'Agriculture, Alexandre Beliaev. "Je pense que nous aurons (une récolte de céréales) de 70-75 millions de tonnes", a précisé Alexandre Beliaev, cité par les agences russes. Le ministère avait déjà revu à la baisse fin juillet ses prévisions de récoltes pour 2010, à 85 millions de tonnes contre 95 millions jusqu'alors. En 2009, la récolte de céréales s'était établie à 97 millions de tonnes. Le vice-ministre a également indiqué que le ministère donnerait une estimation plus précise lorsque les récoltes auront commencé en Sibérie à la mi-août. Environ dix millions d'hectares de cultures ont déjà été détruits par la sécheresse en Russie, ce qui représente environ 20% des cultures dans le pays, avait annoncé fin juillet la ministre russe de l'Agriculture Elena Skrynnik. Elle avait également laissé entendre que les prévisions d'exportations pourraient être revues à la baisse, à moins de 20 millions de tonnes. Mais de son côté, Alexandre Beliaev a insisté mardi sur le fait qu'il était prévu de maintenir les exportations de céréales à leur niveau de l'année dernière, soit 21,4 millions de tonnes. "C'est le gouvernement qui prend la décision, mais aujourd'hui nous ne sommes pas dans une telle situation. Les (marchés d') exportations sont très faciles à perdre, mais très difficiles à gagner", a-t-il déclaré, ajoutant que tout serait fait pour stabiliser et préserver le marché. Depuis le mois de juillet, la Russie fait face à une canicule sans précédent, avec des températures avoisinant les 40°C dans la capitale et les régions l'entourant, provoquant incendies meurtriers et sécheresse dans le pays. Le président russe Dmitri Medvedev a décrété lundi l'état d'urgence dans sept des régions russes les plus touchées par les feux de forêts qui ont fait au moins 40 morts et ont laissé sans toit plus de 2.000 personnes. Dopés par la sécheresse qui dévaste les cultures en Russie, les prix du blé, qui s'étaient déjà envolés de près de 40% en juillet, ont bondi lundi à leur plus haut niveau en presque deux ans. Sur la Bourse aux matières premières de Chicago, qui sert de référence mondiale, le contrat de blé pour livraison en septembre a grimpé lundi de 31,75 cents à 6,9325 dollars le boisseau (environ 25 kg), soit une hausse de 4,80% sur la journée. Il a touché en séance 7,07 dollars, un prix plus vu depuis septembre 2008. A Paris, sur le marché européen (Euronext), la tonne de blé avait dépassé plus tôt dans la journée les 200 euros la tonne, atteignant aussi son plus haut niveau en plus de deux ans. Selon les analystes de la maison de courtage Allendale, le Syndicat agricole russe a réduit ses projections de récolte (qui concernent l'ensemble des matières premières agricoles) à une fourchette comprise entre 72 et 78 millions de tonnes, contre une précédente estimation de 81,5 à 85 millions de tonnes. Ce chiffre est à comparer à une production de matières premières agricoles de 97 millions de tonnes l'an dernier et 108 millions de tonnes en 2008. Il a aussi averti qu'en conséquence, les exportations du pays pourraient chuter de 50% par rapport à l'an dernier. La Russie, qui fournit environ 8% de la production de blé de la planète, en est le troisième pays exportateur mondial. En fin de semaine dernière, c'est le Conseil international des matières premières agricoles (IGC), basé à Londres, qui avait revu à la baisse ses prévisions de production de blé de la Russie, anticipant une récolte de 50 millions de tonnes en 2010. Mais "en raison de la +sécheresse du siècle+ qui touche la Russie, (...) les marchés semblent se préparer à un scénario bien pire", ont relevé les analystes de Commerzbank. Résultat, sur les marchés internationaux, "les prix sont dopés par les craintes de possibles contrôles sur les exportations de blés ou de limitations que pourraient mettre en place les pays entourant la mer Noire, qui continuent de souffrir de la pire sécheresse en plus d'un siècle", ont souligné les analystes de Barclays Capital. La production américaine, qui s'annonce abondante, pourrait donc faire l'objet d'une demande accrue pour compenser les pertes de production en Russie, mais aussi en Ukraine et au Kazakhstan, également touchés par la sécheresse. Le Canada, qui a de son côté subi des précipitations importantes au printemps, devrait aussi voir sa production diminuer. Selon les analystes de Commerzbank, qui citent des responsables agricoles, la production de blé devrait ressortir cette année inférieure de 17% à celle de l'an dernier au Canada, qui partageait avec la Russie le rang de troisième exportateur mondial en 2009. Pour ne rien arranger, l'Inde et le Pakistan, qui représentent à eux deux environ 15% de la production mondiale de blé, subissent actuellement d'importantes précipitations et des inondations. Mais la planète reste protégée du risque de pénurie: après deux années marquées par une production mondiale record, les stocks devraient rester en 2010-2011 à leur troisième plus haut niveau jamais constaté.