Alors que le cours du blé recule à Chicago, il continue à progresser en Europe. Sur le marché à terme européen , le blé coté sur le Matif a battu, lundi hier, un record historique en se hissant jusqu'à 166,50 euros la tonne pour livraison en novembre. Des cours aussi élevés avant même la récolte, c'est du jamais vu. Les prix grimpent beaucoup plus vite et beaucoup plus haut qu'en 2003/2004, lors de la campagne marquée par la sécheresse alors que cette année, la production de l'Union européenne s'annonce nettement supérieure. Le blé français est actuellement le plus cher au monde pour des raisons ayant trait à, fécondation des graines, explique-t-on . Car, en France, la fécondation des graines est une étape cruciale qui déterminera la qualité de la récolte, ce qui contribue à faire monter la pression. Mais, c'est surtout l'évolution des cultures chez les voisins de l'Europe de l'Est qui alimente la hausse. En Bulgarie et en Roumanie, les rendements baisseraient de 20 à 30 %. En Ukraine, un sérieux concurrent des blés européens sur le pourtour méditerranéen, la situation est encore plus alarmante. La pluie a manqué, ce qui va provoquer une baisse massive de la production. Si les blés de la mer Noire font défaut, cela ouvre un boulevard aux blés de la façade atlantique pour les importations des pays d'Afrique du Nord. C'est un marché conséquent, l'Egypte est l'un des plus gros importateurs au monde de blé avec des volumes de l'ordre de 7 millions de tonnes par an. Vu l'inflation du fret, les céréales en provenance des pays les plus proches bénéficient, cette année, d'un avantage supplémentaire. Cette année, le Maroc est, également, un client très demandeur. Là aussi, la sécheresse a eu des conséquences désastreuses, la récolte n'est que de 2 millions de tonnes contre 9 millions pour la précédente. L'Algérie est, également, un gros importateur de blé. On saura, dans les jours qui viennent, si la saison sera favorable aux exportations européennes vers le Maghreb avec la publication du résultat de l'appel d'offres, lancé par l'Algérie . Cet appel d'offres est considéré comme "la première bataille commerciale de la saison" pour le blé européen. L'Algérie, qui importe quasiment tous ces besoins en blé de meunerie, cherche à acheter 50 000 tonnes de blé pour une livraison de juillet à décembre. Autant dire que la facture des importations sera salée d'autant plus que les prix ne font qu'augmenter. L'impact de la montée en puissance de l'éthanol avec l'ouverture, en Europe, de plusieurs usines comme celle de Lillebonne en France est palpable. La consommation intérieure de blé va sérieusement augmenter, ce qui diminue d'autant les disponibilités pour l'export. Autrement dit, avec une forte demande émanant des pays du tiers-monde et une consommation européenne en pleine croissance dictée par la fabrication de l'éthanol , les prix risquent de flamber davantage. Les conséquences seront désastreuses sur les pays pauvres. Si certains restaient encore sceptiques sur le fait qu'il faille à très court terme choisir entre manger ou conduire, des rapports édifiants viennent désormais conforter l'hypothèse selon laquelle l'éthanol provoquera la famine dans le monde pauvre . Après la Banque mondiale qui a pointé récemment, le risque pour les pays pauvres de la flambée du prix des céréales, c'est au tour de l'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture ( FAO) de s'alarmer. A noter que l'envolée du cours du maïs a d'ores et déjà fortement perturbé l'économie voire même l'alimentation du Mexique. Dans son rapport Perspectives de l'alimentation publié jeudi 7 juin, l'agence des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation s'inquiète de la hausse de la facture mondiale des importations alimentaires. Pour la première fois en 2007, celle-ci devrait passer la barre des 400 milliards de dollars (298 milliards d'euros), soit près de 5 % de plus qu'en 2006, laquelle année établissait d'ores et déjà un record. Confortant le célèbre adage " manger ou conduire ", la forte demande de biocarburants dope les prix. Ainsi, la facture des céréales secondaires et huiles végétales importées, qui sont les principaux groupes de denrées de base servant à produire les bio-carburants, devrait ainsi enregistrer une hausse de 13 %.