L'embargo sur les exportations de céréales russes est entré en vigueur dimanche. Un embargo qui ne fera pas seulement grimper les prix du blé, mais qui pourrait aussi causer des problèmes de sécurité alimentaire dans les pays pauvres. Le 5 août dernier, le Premier ministre Vladimir Poutine avait signé un décret imposant un embargo sur les exportations de céréales. La mesure devrait rester en vigueur jusqu'au 31 décembre. L'embargo a été décrété afin de contenir la hausse des prix sur le marché intérieur, engendrée par l'effondrement des récoltes en raison de la canicule. Près d'un quart des cultures de céréales ont été perdues en raison de la sécheresse et de la canicule qui frappent le pays, selon le président russe Dmitri Medvedev. L'état d'urgence a été décrété dans 27 régions agricoles. L'embargo a beau freiner une hausse brutale des prix des denrées et éviter ainsi le risque de troubles sociaux, il fait grimper les prix du blé sur les marchés financiers mondiaux et risque de causer des problèmes dans les pays pauvres. La Russie est le troisième exportateur mondial de blé. La FAO, l'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture, a manifesté ses inquiétudes devant les risques de pénurie dans le monde: "les prix internationaux du blé ont bondi de plus de 50 % depuis juin. Cette augmentation rapide des prix suscite les craintes d'une répétition de la crise de 2007/08," a dit la FAO dans un communiqué diffusé avant l'annonce de l'embargo russe, un communiqué dans lequel la FAO a réduit d'environ 4%, soit 25 millions de tonnes, sa prévision de récoltes mondiales de blé pour 2010. Certains analystes jugent que la hausse actuelle est exagérée, en soulignant le niveau élevé de l'offre mondiale après deux années consécutives de récoltes record. L'absence du blé russe au cours des prochains mois pourrait par ailleurs bénéficier à d'autres grands exportateurs, américains ou européens. De son côté, la Banque mondiale appelle les pays exportateurs de blé à ne pas interdire les exportations de céréales afin d'éviter une crise globale des prix alimentaires, a annoncé aux journalistes la directrice générale de la BM Ngozi Okonjo-Iweala. "Actuellement, nous ne voyons pas de signes de crise, et nous espérons que nous parviendrons à l'éviter. Nous appelons les pays exportateurs à s'abstenir de mesures susceptibles de la provoquer", a déclaré Mme Okonjo-Iweala. La semaine dernière, le gouvernement russe a suspendu ses exportations de blé et de produits dérivés pour la période du 15 août au 31 décembre 2010, ce qui a conduit à une hausse des prix sur le marché mondial des céréales. Selon Mme Okonjo-Iweala, la hausse vertigineuse des prix des céréales n'a pas encore déclenché de crise, mais pourrait frapper les pays pauvres. "Nous n'observons pas de crise pour le moment et nous espérons l'éviter en demandant aux pays de ne pas mettre en place de politiques qui pourrait précipiter une crise", a déclaré la directrice générale de la Banque mondiale, Ngozi Okonjo-Iweala, lors d'un entretien à Reuters . "Même s'il est compréhensible que les gouvernements veuillent mettre en oeuvre certaines mesures qu'ils croient bonnes sur le plan national, ces politiques, telles les restrictions aux exportations, ne sont pas forcément les meilleures et ont des conséquences importantes sur le marché, provoquant la constitution de réserves." La Banque mondiale, a indiqué Ngozi Okonjo-Iweala, est en train d'identifier les pays les plus vulnérables, alors que certains exportateurs ont déjà annulé des livraisons vers le Bangladesh et revoient leurs contrats avec l'Egypte, le premier importateur mondial. "Les pays ne nous ont pas encore sollicités. Nous réalisons une étude rapide pour savoir quels sont les plus vulnérables et dans quelle mesures leurs contrats de livraisons sont touchés", a-t-elle dit. Elle a ajouté que les inondations en Inde, au Pakistan et en Chine suscitaient également des inquiétudes concernant la sécurité alimentaire. Les inquiétudes grandissent aussi en raison du temps sec qui sévit en Australie occidentale. En Ukraine, sixième exportateur mondial de blé, les exportations de céréales rencontrent des retards à cause de la mise en place, la semaine dernière, de nouvelles procédures douanières. Le mauvais temps dans le pays pourrait conduire à une révision à la baisse des perspectives de récoltes et d'exportations. Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne ministre des Finances du Nigeria, espère que les pays où la production de céréales est bonne, comme les Etats-Unis, permettront de compenser les moindres récoltes en Russie. Elle a ajouté que le niveau des stocks mondiaux était plus élevé qu'en 2008, lors de la dernière crise alimentaire mondiale. L'activation du fonds alimentaire créé il y a deux ans par la Banque mondiale permettrait d'aider rapidement les pays en difficulté si la situation l'exigeait, a-t-elle assuré. Ce fonds, destiné à accroître la production dans les zones de pénurie, dispose d'environ 800 millions de dollars (607 millions d'euros), a précisé Ngozi Okonjo-Iweala. En 2008, le fonds avait distribué environ 1,2 milliard de dollars (911 millions d'euros) et avait accru les dotations de ses programmes de prêts agricoles destinés à soutenir la production.